L'antisémitisme signifie détester tous les Juifs sans raison particulière. Et, à mon avis, ce scepticisme est le fait de personnes incultes. Nous devrions agir pour nous débarrasser de ce genre d'état d'esprit.

Sotiroulla Aristodemou,
18 ans, Chypre

L'intolérance est un sentiment propre à beaucoup de gens qui ne peuvent supporter leurs semblables pour maintes raisons. Par conséquent, ils discriminent les autres êtres humains et adoptent des comportements négatifs à leur égard.

Marina Pitta, 16 ans, Chypre

5.2 Mouvement «Stop the Violence» au Danemark

Un exemple d'initiative de jeunesse menée par des pairs

Le nom du projet est «Stop Volden» (en français «Stoppez la violence»). Ce choix a été inspiré par le mouvement américain «Stop The Violence» et par notre désir de mettre un terme à la violence croissante dans notre pays, avec l'aide des jeunes Danois.

En automne 1993, cinq jeunes de Copenhague se sont réunis dans un effort commun pour tenter de lutter contre l'indifférence générale face à la montée de la violence et de la brutalité, notamment parmi les jeunes. Nous avions tous constaté que Copenhague devenait une ville de plus en plus violente. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous mobiliser pour convaincre les jeunes que la violence n'est pas la réponse.

Le démarrage

Après qu'un ami commun eut reçu six coups de poignard et failli perdre la vie, nous avons décidé de préparer un concert contre la violence. Puis, il y eut une nouvelle agression au couteau, encore une fois parmi des très jeunes, qui entraîna la mort de la victime. Suite à cela, nous avons fait un communiqué de presse et le nom de notre groupe de jeunes s'est rapidement fait connaître dans le pays.

Groupe cible et lieu du projet

Le groupe ciblé par notre projet était constitué des jeunes Danois entre 12 et 25 ans, notamment ceux vivant dans les grandes villes et les zones urbaines, où les chances de réussite sont plus faibles que dans les zones rurales.

Assez rapidement, nous avons compris qu'il ne suffisait pas de s'adresser aux jeunes, mais que nous devions aussi travailler avec leur entourage : les parents, les enseignants, les travailleurs des centres de jeunes, la police, les amis, etc. Ce n'est qu'en favorisant la prise de conscience de cet «ensemble» de personnes, que nous pourrions obtenir des résultats.

Le projet couvrait l'ensemble du pays - les centres de jeunes, les écoles primaires, les lycées, les festivals de musique, les concerts, etc.

Nous sommes entrés en contact avec les jeunes de diverses manières. Suite à notre premier grand concert, 1 500 personnes ont pu se joindre à notre mouvement en renvoyant une carte postale spéciale portant leur nom, adresse, âge, etc. Nous avons constaté que de tels événements culturels contribuaient de manière efficace à l'expression de nos préoccupations et de nos problèmes communs, en tant que jeunes, que nous soyons pakistanais, marocains ou danois, et quels que soient nos goûts musicaux.

Un autre moyen d'entrer en contact avec les jeunes consistait à passer par le biais des institutions. Nous avons commencé à recevoir des invitations d'écoles nous conviant à assister à des réunions. Nous avons vite compris que nous serions beaucoup plus efficaces en intervenant directement. Nous avons alors entamé une série de conférences dans tout le pays. Après la parution d'informations sur nos activités dans la presse, la demande de conférences s'est rapidement accrue.

Principale teneur du projet

Notre projet concernait essentiellement la lutte contre la violence, afin de comprendre la nature de ce fléau et les conditions sociales qui l'induisent. Nous avions compris que la violence, le racisme, l'antisémitisme et la drogue chez les jeunes étaient souvent une sorte de cri adressé au monde environnant : un appel à la reconnaissance, une manière de trouver/d'affirmer son identité, ou une tentative pour exprimer une position. Nous ne pensons pas que n'importe qui peut devenir violent simplement parce qu'il le souhaite. La violence signifie plus que cela, c'est une logique qui peut certes échapper à la société, mais qui revêt une importance capitale pour la jeunesse.

Approche méthodologique et description d'une session particulière

Nous ne sommes jamais préparés avant une session ; en fait, nous avons toujours suivi le cours naturel des débats. Quelquefois, les participants souhaitaient aborder une question bien précise liée à leur environnement spécifique. Nous n'avions pas de réponses à toutes leurs interrogations, mais nous avions foi dans les jeunes et la volonté d'aborder tous les sujets qui les préoccupaient. Nous avons surtout parlé de choses dont nous avions nous-mêmes fait l'expérience et qui risquaient fort de les concerner dans le futur.

Nous ne disions pas aux jeunes la façon dont ils devaient mener leur vie. Nous ne prétendions pas savoir mieux qu'eux ce qui était bon pour eux. Cela leur aurait par trop rappelé la façon de penser de la génération de nos parents, et nous aurait par là-même relégués au rang de «l'establishment», risquant ainsi de nous faire perdre leur confiance.

Par contre, nous leur avons demandé de tirer les enseignements de nos expériences, pour éviter d'avoir à les vivre personnellement ou d'en faire l'apprentissage «à la dure», comme nous l'avions fait. Étant donné que nous avons deux ans de plus et davantage d'expérience que ces jeunes, nous avons tenté de leur expliquer qu'ils aboutiraient plus ou moins aux mêmes idées que nous.

Néanmoins, il y a trois principes que nous leur demandions de respecter :

Nous sommes contre toute forme de violence (physique ou psychologique)

Nous refusons toute forme de racisme (chacun de nous doit avoir sa place dans la société)

Nous disons non à la drogue

Voici l'exemple d'une session particulière qui nécessite environ une demi-heure, quelquefois davantage.

Nous avions été invités à nous rendre dans une école dans laquelle se posait un problème particulier : un groupe de garçons harcelait les autres élèves.

Dans notre groupe, chacun avait des antécédents différents. Dany et Ronni sont deux frères, moitié danois, moitié israéliens. Enfants, ils vivaient avec leur mère qui travaillait tout le temps, dans un quartier de Copenhague où sévissaient le crime, l'alcool, la drogue et le chômage. Dany et Ronni n'avaient personne pour veiller sur eux, alors ils ont fini par faire certaines choses qui expliquent ce qu'ils sont aujourd'hui.

Tous deux ont pourtant réussi à échapper à ce milieu criminel avant qu'il ne soit trop tard. Ils avaient appris à la dure qu'ils étaient sur le mauvais chemin : cette prise de conscience était essentiellement due au fait qu'ils avaient été les témoins du triste sort d'amis très proches.

J'ai 20 ans et mes parents sont marocains. J'ai cinq soeurs et trois frères. Il était difficile de vivre tous ensemble et d'affirmer sa propre identité. Nous vivions au coeur de Copenhague, dans un quartier appelé Vesterbro. Cela ressemblait beaucoup au quartier de Dany et Ronni, mais se posaient en plus les problèmes de prostitution et de drogue. A Vesterbro, on trouvait tous pour les adultes, mais rien pour les enfants, à part l'école. Mon frère a eu des problèmes, comme beaucoup de fils de travailleurs étrangers, et a commis toutes sortes de délits, ce qui a causé beaucoup de peine à nos parents. Les filles se battaient pour obtenir ce qui leur était interdit, pour des raisons soit de sexe soit de religion (musulmane).

Toutes mes soeurs se sont d'une façon ou d'une autre battues pour avoir le droit de choisir leur vie, ce qui n'est pas chose aisée lorsque vos parents ont déjà décidé de votre avenir, tout simplement par ce que vous êtes une fille et devez par conséquent être davantage protégée.

Mes parents avaient l'habitude de dire : «Une fille peut apporter sur sa famille dix fois plus de honte qu'un garçon».

A présent, retournons à notre session.

Le principal problème trouvait ses racines dans les agissements de cinq «mauvaises graines». Ces garçons amenaient des armes à l'école. Les enseignants avaient tout d'abord tenté de leur parler, puis s'étaient adressés à leurs parents (ce qui n'avait fait qu'aggraver la situation).

Nous ne savions pas comment gérer cette situation, car nous n'avions aucune idée des raisons de leur comportement. Ce jour-là, nous étions trois (deux garçons et une fille). Nous sommes entrés dans la salle dans laquelle devait se dérouler la session ; tous les élèves des classes de 5ème, 4ème et 3ème y étaient réunis. Nous avons commencé par examiner les visages en face de nous, en tentant d'évaluer les jeunes à partir de leur apparence et de l'expression de leurs yeux.

Nous avons tout d'abord constaté un grand silence pendant notre discours, non pas parce que ces jeunes n'avaient rien à dire, mais parce qu'ils étaient en train «d'absorber» ce que nous disions avant de commencer leur propre «session». Chacun a eu la possibilité de s'exprimer. Ensuite, nous avons commencé à parler du cas de leur école ; peu d'entre eux ont mentionné les cinq provocateurs.

Il aurait été facile de désigner, d'accuser et de punir les coupables. Mais, le problème n'en serait certainement pas réglé pour autant. C'est pourquoi nous avons essayé de trouver la meilleure solution pour tous.

A la fin de la session, une fois seuls, nous avons demandé aux fauteurs de trouble d'expliquer les raisons de leurs agissements.

Il s'est avéré qu'ils recherchaient une activité extrascolaire, parce que l'école ne suffisait pas à remplir leurs vies. Ils voulaient faire quelque chose d'excitant, et n'arrêtaient pas de parler de RESPECT. Ne disposant pas de moyens positifs pour s'affirmer, ils recouraient par conséquent à la solution de facilité, «la révolte». Pour eux, le fait que les gens s'écartent dans la rue en les voyant arriver était une forme de respect. Nous avons fait tout notre possible pour les convaincre que ce qu'ils prenaient pour du respect était en fait de la peur et qu'il était extrêmement facile d'effrayer les gens. Enfin, nous les avons invités à visiter nos bureaux, afin de voir s'ils pouvaient nous aider dans notre travail.

L'une des raisons qui les a poussés à nous écouter attentivement fut notre approche du problème : nous avons tenté de leur parler de choses sérieuses avec humour. Exagérer la gravité des choses et faire rire sont des techniques souvent plus efficaces qu'un discours sombre et ennuyeux, et le message passe mieux.

Les meilleurs et les pires moments du projet

Les principaux échecs et réussites

A plusieurs reprises, nous nous sommes sentis pratiquement incapables de gérer la situation, parce que nous pénétrions dans des domaines nouveaux. Autres difficultés : les travaux de bureau, mais aussi les questions financières et administratives, les réglementations juridiques concernant nos initiatives, les mailings à 7000 personnes chaque mois, l'organisation de concerts, etc.

Tout est complètement nouveau pour nous ; nous tentons de nous faire aider le plus possible mais, quelquefois, nous nous sentons au bord de la dépression nerveuse. Bien que cela ne dure qu'un temps, nous endurons une tension collective, à cause du manque de soutien surtout. Alors, nous regardons en arrière et réalisons que, quels que soient les difficultés rencontrées et le temps passé, tant que le résultat vaut les efforts déployés et que les gens concernés sont satisfaits, nous aussi sommes satisfaits.

Nous nous sentions heureux après une session, lorsque nous pouvions sentir et voir la différence que nous avions su apporter en écoutant et en parlant aux jeunes. Quelquefois, des jeunes filles venaient me voir à la fin de la session pour me complimenter sur mon travail. Elles me disaient que ça avait été vraiment bien, parce qu'il est rare que des jeunes parlent à des élèves qui ont pratiquement le même âge qu'eux. En tous cas, une chose est sûre, c'est que lorsque j'étais au collège, je n'ai jamais fait l'expérience d'un dialogue de jeunes à jeunes. Au lieu de cela, nous avions la police, le dentiste, etc. pour nous dire ce que nous ne devions pas faire. Une seule fois, un malade du sida est venu nous raconter ce qu'il avait vécu, nous faisant partager une véritable histoire personnelle.

Nous nous rappelons aussi avec bonheur lorsque nous recevions une récompense ou toute autre marque d'appréciation de notre travail.

Formation des équipes de pairs et/ou de leurs formateurs ?

Lorsque le projet a commencé à bénéficier d'une plus large reconnaissance de l'extérieur, nous avons décidé d'offrir aux élèves désireux d'aider d'autres jeunes la possibilité de nous donner un coup de main. Au bout d'un certain temps, nous nous sommes rendus compte qu'il n'était pas facile d'intégrer des nouveaux venus toutes les semaines ou tous les mois. Nous avons permis à des jeunes élèves de nous accompagner lors de nos sessions et de nos réunions, afin qu'ils puissent se faire une idée de notre travail. La majorité d'entre eux ont pu apprendre deux ou trois choses, d'autres n'en ont eu qu'un avant-goût. Finalement, nous avons décidé de désigner dans nos bureaux un responsable pour chaque groupe de cinq élèves, ce qui nous a permis de diminuer le stress.

Résultats et impacts du projet

Ce projet est toujours en cours et je ne peux par conséquent que parler des résultats obtenus à l'heure actuelle. Un dépliant intitulé «La vie est trop courte pour laisser la place à la violence» a été distribué à 40 000 élèves au Danemark. Ce dépliant a été produit avec le soutien financier du Ministère des Affaires Sociales.

«Stop the Violence» réunit plus de 7000 membres, dont la majorité ont entre 12 et 18 ans. Nous avons produit le disque maxi vinyle de jeunes musiciens talentueux qui n'avaient jamais eu la chance d'enregistrer. Le plus jeune avait 13 ans et le plus âgé 25.

Le disque est sorti avec l'aide du Ministère de la Culture.

«Stop the Violence» a organisé cinq concerts avec des musiciens de France, des États-Unis et du Danemark. Tous ont été des succès.

Nous avons invité le célèbre photographe Jacob Holdt à exposer ses photos sur les États-Unis - un pays de rêve pour beaucoup de jeunes. Ses photos mettaient en évidence la pauvreté, le racisme, la drogue et la violence dans les villes américaines.

Nous avons visité 250 écoles et centres pour parler du racisme, de la violence, de l'espoir et de toutes sortes de sujets. Nous avons contribué à trois livres sur les jeunes et leurs problèmes.

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