L'éducation interculturelle : un processus d'éducation sociale

Pour qu'une société devienne réellement interculturelle, chaque groupe social doit pouvoir vivre dans des conditions d'égalité, quels que soient sa culture, son mode de vie ou son origine. Cela implique non seulement de reconsidérer notre façon d'interagir avec les cultures qui nous paraissent étranges par rapport à la nôtre, mais aussi notre façon d'interagir avec des minorités comme les homosexuels ou les handicapés qui se heurtent à diverses formes d'intolérance et de discrimination. Il faut combiner plusieurs forces - sociales, économiques, politiques - pour mettre sur pied une telle société. L'éducation interculturelle est aujourd'hui l'un des meilleurs outils à notre disposition pour nous aider à tirer profit des opportunités qu'offrent les sociétés multiculturelles.

L'éducation interculturelle a pour objectif global de favoriser et de renforcer les bases des relations mutuelles entre les différentes sociétés, mais aussi entre les groupes culturels majoritaires et minoritaires.

Atteindre cet objectif signifie :

• S'assurer que la diversité soit enracinée dans l'égalité et qu'elle ne devienne pas une justification à la marginalisation ;

• Faire un effort pour reconnaître les diverses identités culturelles et promouvoir le respect des minorités ;

• Résoudre les intérêts conflictuels de manière pacifique.

Cet objectif global suppose que l'éducation interculturelle intervienne au niveau de la société dans son ensemble. Il est impossible d'imaginer une société interculturelle qui ne fonctionnerait qu'avec l'une des parties concernées, c'est-à-dire avec seulement les groupes minoritaires ou les groupes majoritaires.

Les besoins des majorités et des minorités sont différents mais interdépendants

Le besoin premier de la plupart des groupes minoritaires, et notamment lorsqu'ils sont le fruit de processus d'immigration, consiste à développer diverses aptitudes et connaissances. Sans l'aptitude à communiquer dans une langue communément comprise, par exemple, il est difficile, voire impossible, de survivre en société. Le besoin premier des groupes majoritaires est de regarder au-delà des normes acceptées et de remettre en question les modes de pensée traditionnels - en particulier les stéréotypes et les préjugés négatifs - en relation avec les groupes minoritaires. Il est nécessaire pour nous tous de parvenir à comprendre le rôle joué par les relations basées sur le pouvoir dans la société et, ici, leurs répercussions sur les relations interculturelles.

Logiquement, ces différents besoins ont des objectifs différents. Concernant les groupes sociaux majoritaires, les cibles de l'éducation interculturelle sont les suivantes :

Favoriser la compréhension de la réalité d'un monde interdépendant et encourager une action cohérente dans le cadre de cette réalité ;

Dépasser les préjugés négatifs et les stéréotypes ethniques ;

Encourager une évaluation positive de la différence et de la diversité ;

Rechercher et mettre en lumière les points communs ;

Générer des attitudes et des modes de comportement positifs à l'égard des individus d'autres sociétés et cultures ;

Traduire les principes de solidarité et de courage civil en action.

Concernant les groupes minoritaires, les cibles de l'éducation interculturelle englobent tous les points susmentionnés, ainsi que l'apprentissage de la vie dans une société dominante sans perte d'identité culturelle.

Les jeunes : une ressource essentielle pour l'éducation interculturelle

L'éducation interculturelle, même si son champ d'action doit être la société dans son ensemble, s'oriente en priorité sur le système des relations des enfants et des jeunes. Nous justifions cette priorité par le fait que ces derniers seront, dans une grande mesure, les futurs citoyens de nos sociétés interculturelles. Ils constituent en outre un réseau de communication important en direction des adultes, et peuvent aider leurs aînés à, par exemple, prendre conscience de la nécessité des changements. Ceci dit, il est clair que ce kit véhicule aussi des messages-clés relatifs à l'éducation des adultes.

L'éducation interculturelle avec les enfants et les jeunes vise deux objectifs principaux :

• Les aider à acquérir la capacité de reconnaître les inégalités, les injustices, le racisme, les stéréotypes et les préjugés.

• Leur apporter les connaissances et les aptitudes qui les aideront à remettre en question et à changer ces mécanismes lorsqu'ils y seront confrontés dans la société.

Les approches pédagogiques, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école, revêtent une importance considérable.

Notre conception de ces approches dépend en grande partie du contexte. Et il est par ailleurs « vrai » que l'éducation extra-scolaire fait appel à des méthodes plus formelles (une conférence, une contribution, des exercices écrits) tout comme il est vrai que l'on trouve également des méthodes plus informelles à l'école, (activités en groupes de projet, utilisation de l'environnement local…). Lorsque nous avons rédigé ce Kit pédagogique en 1994-95, nous avions l'habitude de différencier l'éducation formelle et l'éducation informelle - on entendait alors rarement parler « d'éducation/apprentissage non-formels ». Le débat a progressé, tant et si bien que le Forum européen de la jeunesse a récemment publié un document d'orientation intitulé « Les organisations de jeunesse, pourvoyeurs d'éducation non formelle - reconnaître notre rôle» (novembre 2003). Aujourd'hui on fait davantage référence à l'éducation informelle lorsque l'on évoque des situations d'apprentissage non planifiées : en famille, dans le bus, dans une conversation entre amis. Et pourtant, pour cette édition en ligne, nous avons choisi - et vous serez contents de l'apprendre - de ne pas modifier la terminologie.

Le chapitre que Repères consacre à l'Education évoque les défis qui se posent aujourd'hui aux systèmes éducatifs et rappelle que la complémentarité entre éducation formelle et non-formelle est nécessaire.

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