Chapitre 3 - L'éducation interculturelle :
une approche positive de la différence
Examen des aspects suivants :
• La découverte des relations
• Les mécanismes et les ressources
• L'école
• Les phases des processus interculturels
• L'utilisation des activités
D'ou vient l'éducation interculturelle ?
Nous - auteurs de ce kit pédagogique
- avons essayé d'être extrêmement prudents
dans l'emploi des termes de «multiculturel»
et «d'interculturel». En matière de terminologie,
notre choix n'est pas innocent, il est même subversif ;
nous ne jouons pas avec les mots. Nous voulons remettre
en question vos idées et vos actions, et espérons
que vous ferez de même pour nos idées et nos
actions.
Les réponses éducatives
à une société multiculturelle
Comme nous l'avons vu dans le
chapitre 1, la vitesse des changements qui affectent nos
sociétés a terriblement augmenté ces
dernières années. La rencontre des cultures
continue à être l'un des principaux moteurs
de ces changements, mais aussi l'une des retombées
majeures de ces changements. Au même moment, nous
avons commencé à prendre conscience que, même
au sein des cultures dominantes, certains individus ne se
conforment pas aux normes en vigueur et sont identifiés
en tant que membres de subcultures. Parallèlement
à cette prise de conscience s'affirme progressivement
- non sans quelques heurts - la reconnaissance du fait que
ces personnes ont des droits et exigent le respect et la
reconnaissance. Les réponses des gouvernements à
ces changements ont été variables, souvent
même au sein d'un même pays.
A partir des années 60, quelques
pays ont initié des programmes éducatifs spéciaux
à l'adresse des enfants des minorités «traditionnelles»
et des enfants d'immigrants arrivés depuis peu. Selon
le contexte politique et culturel, ces systèmes éducatifs
étaient appelés à répondre à
une grande diversité d'objectifs, dont les suivants :
• Garantir que les enfants d'immigrants
puissent retourner dans leur pays d'origine et être
en mesure de s'intégrer facilement dans leurs systèmes
éducatifs et sociaux spécifiques.
• Insérer les enfants des
groupes culturels minoritaires dans la société
dominante et, ce faisant, les dépouiller entièrement
de leur identité culturelle - ceci est quelquefois
appelé «politique d'assimilation». Cette
philosophie pourrait se résumer par une extension
du vieux proverbe «A Rome, il faut vivre comme les
Romains» : «A Rome, il faut penser, ressentir,
croire et agir comme les Romains».
• Aider les enfants des groupes culturels
minoritaires à s'insérer dans la société
dominante, tout en préservant partiellement leur
propre identité culturelle - ceci est quelquefois
appelé «politique d'intégration».
«Dans la société romaine, vous devez
vivre comme les Romains ; mais vous pouvez cuisiner
ce que vous voulez si vous fermez les fenêtres».
Il en est résulté divers
concepts et approches pédagogiques, quelquefois sous
forme combinée. Mais de tels objectifs et de telles
pratiques étaient indissociables de graves problèmes,
car basés sur la croyance en la supériorité
implicite de la culture dominante censée ne pas être
affectée par un contact avec d'autres cultures. Il
s'agissait d'une véritable voie à sens unique :
le seul changement devait venir «d'eux». Si
l'on ajoute à cela le fait que la grande majorité
des immigrants ne sont pas «retournés»
dans leur pays d'origine, il apparaît alors clairement
que de tels objectifs ne correspondent pas à la réalité
actuelle. Ils n'ont pas non plus grand chose à voir
avec les objectifs visés par l'éducation interculturelle.
«Découvrir les autres,
c'est s'ouvrir à une relation et non se heurter à
une barrière» (Claude Lévi-Strauss)
Graduellement, les perceptions
de la société multiculturelle ont évolué.
La société multiculturelle n'est ni une mosaïque
de cultures simplement juxtaposées, sans aucun effet
les unes sur les autres, ni un «melting pot»
où tout est réduit au plus petit dénominateur
commun. L'éducation interculturelle propose des processus
pour permettre la découverte des relations réciproques
et le démantèlement des barrières.
Elle présente des liens étroits avec d'autres
philosophies éducatives, telles que l'éducation
pour les droits de l'homme, l'éducation antiraciste
et l'éducation au développement. Il est par
conséquent normal que vous y trouviez des éléments
qui reflètent votre expérience dans d'autres
domaines. Nous avons beaucoup appris des expériences
acquises dans le cadre de notre travail complètement
nouveau d'éducateurs multiculturels.
Mais nous avons choisi d'employer le terme
«d'interculturel». Car, comme le souligne Micheline
Rey, si l'on donne au préfixe «inter»
son entière signification, cela implique nécessairement
les notions suivantes :
• L'interaction ;
• l'échange ;
• le démantèlement
des barrières ;
• la réciprocité ;
• la solidarité objective.
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