Section 5
Exemples de «bonnes
pratiques»
Pendant la phase préparatoire
de DOmino, un questionnaire a été envoyé
aux organisations de jeunesse, aux services de jeunesse
et aux initiatives de jeunesse, leur demandant de décrire
des projets innovateurs d'éducation par groupes de
pairs. Nous voudrions remercier tous ceux qui ont bien voulu
apporter leurs contributions et regrettons de n'avoir pu
en inclure qu'une petite sélection.
Dans ce qui suit, vous trouverez cinq descriptions
de projet illustrant différentes approches de l'éducation
par groupes de pairs en tant que moyen de lutte contre l'intolérance
et la violence. Ces projets reflètent les diverses
approches décrites dans la Section 2 de DOmino, c'est-à-dire
des projets initiés dans des cadres formels et informels
et des initiatives menées par des pairs ou par «la
base». Les adresses indiquées à la fin
de chaque description de projet vous aideront dans votre
recherche d'informations complémentaires.
5.1 Projet pacificateur à Offenbach/Allemagne
Un exemple de médiation par groupes de pairs dans
les écoles
Un pacificateur est quelqu'un
qui intervient pour aider à mettre fin à une
querelle. Dans beaucoup de cultures, et notamment les plus
anciennes, ces personnes bénéficient d'une
très haute considération ; elles portent des
noms différents, mais toutes ont un même rôle
qui consiste à résoudre des problèmes
sans violence ni blessure. De telles traditions humaines
sont importantes dans nos sociétés modernes,
dans lesquelles les problèmes sont plus compliqués
et les conflits plus confus que jamais.
Nous avons par conséquent repris
ce modèle traditionnel pour un projet sur la résolution
des conflits dans les écoles d'Offenbach, en Allemagne.
Le projet est mené par le Service local de la Jeunesse
et de l'Éducation, dépendant du Service national
de la Jeunesse, qui organise des manifestations éducatives
pour coordonner les activités des différentes
institutions travaillant avec des enfants et des jeunes
dans notre ville.
Le projet de pacificateur fait partie
d'un projet pilote de grande envergure consacré à
la «prévention de la violence»,
et a été développé à
partir de deux approches théoriques : l'éducation
par groupes de pairs et la médiation. Ce projet a
également bénéficié de subventions
de la part du Comité Européen d'Organisation
de la Campagne Européenne de la Jeunesse.
La signification de l'éducation
par groupes de pairs dans les cadres pédagogiques
formels et informels pour des projets hors programme scolaire
L'éducation par groupe de pairs
à l'école possède une longue histoire.
L'idée qui consiste à favoriser les relations
entre élèves dans les contextes scolaires
formels est exploitée par les enseignants depuis
des siècles. Certains auteurs ont réussi à
établir que l'éducation par groupes de pairs
remontait à la Grèce ancienne et aux Romains,
d'autres au Moyen-Âge seulement. Ce n'est pourtant
qu'à la fin du 18ème siècle et au début
du 19ème que cette forme d'éducation a commencé
à être utilisée sur une grande échelle
en Grande-Bretagne et en Amérique. Dans les autres
pays européens, son emploi était encore limité.
Avec l'industrialisation, la connaissance
de la lecture et de l'écriture est devenue indispensable,
même pour les pauvres, mais il n'y avait ni enseignant,
ni école pour répondre à ces besoins.
C'est dans ce contexte que des approches pédagogiques,
comme le système de Madras de Andrew Bell
et le système d'enseignement mutuel de Joseph
Lancaster, ont été mises en pratique. Selon
ces systèmes, les enseignants formaient quelques
élèves (tuteurs) qui étaient ensuite
chargés de transmettre leurs connaissances aux autres
enfants. Cette méthode faisait appel à l'enseignement
par groupes de pairs de manière très formelle
et généralement très autoritaire, mais,
en réalité, son efficacité était
réelle.
Cependant, au 19ème siècle,
tandis que se développait le système éducatif
du monde occidental, l'enseignement mutuel apparaissait
de moins en moins adapté. Les méthodes d'éducation
par groupes de pairs n'étaient plus appliquées
que dans les petites écoles à classe unique.
Dans le monde en voie de développement, et notamment
l'Amérique Latine, ces méthodes continuaient
à être appréciées pour l'enseignement
de la lecture et de l'écriture. C'est la raison pour
laquelle l'éducation par groupes de pairs a longtemps
été considérée comme une méthode
bon marché pour enseigner les notions de lecture
et d'écriture de base.
Dans les discussions pédagogiques,
pourtant, on ne parlait pas des bénéfices
de l'éducation par groupes de pairs, bénéfices
que nous identifions aujourd'hui clairement dans le système
scolaire moderne : les enfants qui ne répondent pas
bien aux adultes apprennent souvent mieux avec des tuteurs
pairs ; et les tuteurs eux-mêmes en bénéficient,
en développant des compétences en matière
d'enseignement. L'idée qui consiste pour les étudiants
à apprendre en s'entraidant constitue une alternative
positive au système traditionnel d'apprentissage
basé sur la compétition.
Durant les vingt dernières années,
les bénéfices de l'éducation par groupes
de pairs ont été redécouverts dans
le débat pédagogique, notamment en Grande-Bretagne
et aux USA. Aujourd'hui, dans nos systèmes d'éducation
développés en Europe, nous ne manquons ni
d'écoles, ni de professeurs pour enseigner les connaissances
de base, mais hors du domaine de «l'apprentissage
factuel», les méthodes formelles s'avèrent
rarement efficaces. Les discussions ouvertes entre les jeunes
à propos de la violence, de l'intolérance
et de l'abus de drogues se multiplient. C'est précisément
dans ce contexte que l'éducation par groupes de pairs
peut venir compléter utilement l'éducation
formelle et contribuer de manière significative à
l'humanisation de la scolarité.
La nécessité, pour les enfants
et les jeunes, de résoudre les conflits de manière
constructive, et le processus de médiation
Pour beaucoup de jeunes, la violence
est le moyen le plus efficace pour résoudre leurs
problèmes. Ils ne tirent aucun plaisir de cette violence,
mais ne voient pas d'autres solutions. Ils apprennent des
adultes que l'on peut éliminer ses concurrents pour
assurer son propre succès. Ils regardent des films
qui leur montrent que la violence est la seule façon
d'obtenir quelque chose dans ce monde, et ils ne veulent
pas passer pour des faibles au sein de leur groupe de pairs.
Nous avons tendance à penser que
les enfants et les jeunes peuvent apprendre la non-violence
et qu'ils sont capables de résoudre beaucoup de problèmes
par eux-mêmes. Cependant, il est évident que
nos aptitudes à gérer les conflits de manière
constructive ont été dépassées
par les développements techniques et sociaux de nos
sociétés. Il est par conséquent nécessaire
de briser ce cercle de la violence et de contrer la violence
des jeunes. Il existe divers modèles permettant de
gérer les conflits de manière démocratique
et non-violente.
L'une de ces approches non-violentes est
la «médiation», qui consiste à
résoudre un conflit par le biais d'une tierce personne.
Cette dernière peut aider deux parties en conflit
à trouver une solution qui convienne aux deux et
à développer une situation qui leur soit mutuellement
bénéfique. Le médiateur guide les opposants
à travers un processus par étape, afin de
les aider à clarifier les problèmes et de
les motiver à trouver une solution acceptable.
La méthode de la médiation
a été développée aux États-Unis
et est utilisée depuis 20 ans dans divers domaines
: querelles de voisinage, conflits maritaux et, s'agissant
des jeunes, indemnisations des victimes en matière
de droit pénal. La condition primordiale - mais aussi
la principale restriction - réside dans la volonté
de l'ensemble des personnes concernées de prendre
part à la discussion et de rechercher une solution.
Le médiateur peut aider les deux parties à
trouver des solutions, mais il ne peut résoudre leurs
problèmes à leur place.
La structure du projet de «prévention
de la violence» à Offenbach
En juin 1993, le Conseil municipal d'Offenbach
a demandé au Service de la Jeunesse de développer
un programme contre la violence, le racisme, l'antisémitisme
et l'extrémisme de droite. En toile de fond, il y
avait la montée du racisme en Allemagne dans les
années 90 et le succès remporté aux
élections locales par le parti d'extrême droite,
les «Républicains». Aux dernières
élections locales, ce parti avait obtenu 15% des
voix à Offenbach, et plus de 30% dans certaines circonscriptions.
Le Conseil municipal a alors reconnu le danger potentiel
de cette situation, compte tenu du fait qu'Offenbach possède
le pourcentage de migrants le plus élevé d'Allemagne.
Un tiers des résidents d'Offenbach ne possèdent
pas de passeport allemand.
Le Service éducatif de la Jeunesse
a commencé à travailler sur un projet pilote,
accepté l'année dernière, qui fonctionne
à présent. Les principaux objectifs de ce
projet sont les suivants :
a) La mise en application, dans les écoles
et les institutions de jeunesse d'Offenbach, d'un système
pour la résolution constructive des problèmes.
Cela exige l'intervention de trois méthodes
de travail :
• Dresser les "profils des
conflits" dans les classes ou les groupes de jeunes,
dans les écoles, les jardins d'enfants et les centres
de jeunes, afin de mettre en lumière la nature des
problèmes et des conflits qui se posent ;
• développer des programmes
pour les enfants et les jeunes, afin qu'ils puissent gérer
les conflits de manière constructive. Le principal
programme de ce type est le «programme pacificateur»
qui prévoit la médiation en cas de conflits
et la formation à la résolution constructive
des conflits ;
• former les enseignants et les
travailleurs sociaux aux méthodes de résolution
pacifique des conflits. Grâce à cette formation
point par point, les enseignants apprennent les méthodes
pour conseiller les enfants et les jeunes qui ont des problèmes.
b) La construction d'une infrastructure pour l'éducation
à la tolérance et aux droits de l'homme.
c) La création d'un réseau local et d'un
service d'information pour les écoles et les centres
de jeunes.
Le projet pacificateur pour la médiation
des conflits entre les élèves
A la base de ce projet, on trouve
les expériences d'éducation par groupes de
pairs. Cela implique le transfert de la médiation
dans le processus pédagogique et la confiance dans
l'aptitude des enfants à résoudre leurs propres
problèmes.
Un processus de médiation par
les pairs se déroule plus ou moins de la façon
suivante :
Deux élèves se disputent.
Cette dispute n'est pas forcément synonyme de violence,
mais de tristesse et de larmes. Tous deux décident
(ils doivent être à l'origine de cette décision)
de faire appel à un médiateur. Les quatre
élèves - les deux parties en litige et les
deux médiateurs - vont suivre un processus point
par point dans lequel les médiateurs vont écouter
les deux élèves en conflit, identifier leurs
sentiments et leurs besoins, puis convenir d'une ligne de
conduite. Le point culminant de ce processus arrive avec
la signature d'un bref contrat entre les deux parties en
litige et une poignée de main.
Ce scénario décrit un processus
de médiation mis en oeuvre dans une classe ou une
école, avec l'aide des professeurs. Dans les trois
prochaines années, nous espérons parvenir
à instaurer les conditions nécessaires à
la mise en pratique d'un tel processus.
Dans un premier temps, nous avons développé
un programme de formation pour les élèves
et les professeurs. A l'occasion de ce processus, nous nous
sommes rendus compte que tous les élèves n'étaient
pas en mesure de faire office de médiateurs, soit
parce qu'ils n'étaient pas intéressés,
soit parce qu'ils ne bénéficiaient pas de
suffisamment de considération au sein de leur groupe.
Nous avons par conséquent développé
deux variantes de programme de formation.
Premièrement, nous avons formé
un groupe de délégués de différentes
classes (10-12 ans) à l'occasion d'un stage de deux
jours et de trois après-midi de trois heures consacrés
à la médiation des conflits. Suite à
cette formation, nous les avons présentés
à leurs classes en tant que médiateurs.
Deuxièmement, nous avons travaillé
avec une classe entière dans le cadre d'un second
stage de cinq unités de trois heures, puis avons
procédé à l'élection des médiateurs.
Avec les élèves choisis, nous avons entrepris
un programme de formation séparé. Les élèves
arrivés en fin de stage ont reçu un certificat,
ou une «carte de pacificateur». Dans ce processus,
nous avons constaté qu'il est essentiel que les enseignants
aident les médiateurs dans leurs classes et que les
autres enseignants et les parents acceptent les médiateurs.
Actuellement se déroulent des stages de formation
pour les enseignants qui aident ces élèves
et des réunions d'information pour les parents. Grâce
à ces activités s'est développée
une atmosphère constructive au sein de la «Schiller-Schule»,
un grand lycée dans lequel le projet a été
expérimenté pour la première fois.
Dans un deuxième temps, nous avons
mis en place le programme de formation développé
dans les autres classes, et commencé à appliquer
le programme pacificateur en suivant les étapes ci-dessous
:
• Nous organisons un stage de formation
pour les professeurs de six classes. Les professeurs apprennent
les exercices de base pour la résolution des problèmes
de manière constructive et les règles fondamentales
de la médiation.
• Ces professeurs se chargent des
premières étapes de la formation des élèves
jusqu'à l'élection des médiateurs qui
permet de choisir environ six élèves dans
chacune des six classes. Cette phase est appelée
«phase d'exploitation».
• Puis, avec les élèves
choisis dans ces six classes, nous formons deux groupes
qui vont suivre le stage de formation à la médiation.
Ces stages sont assurés par des formateurs qualifiés,
sans les enseignants.
• Lorsque les médiateurs
formés sont présentés à leurs
classes, nous surveillons leurs activités et organisons
des réunions régulières à leur
intention.
• Parallèlement, nous organisons
diverses réunions et activités visant à
encourager la discussion entre les écoles à
propos de ces projets. Parmi ces activités, nous
avons proposé un concours doté d'un prix et
organisé des représentations théâtrales
dans la cour des écoles, ainsi que diverses autres
manifestations.
Le projet a été lancé
en octobre 1994. Les premières expériences
sont très encourageantes et nous sommes souvent étonnés
de la rapidité avec laquelle les enfants ont trouvé
de nouvelles solutions aux conflits.
Pour de plus amples informations, veuillez
contacter :
Jugendbildungswerk des Jugendamtes
der Stadt Offenbach
Landgrafenstrasse 5, 63071 Offenbach,
Germany
Tel.: 069/85000911, Fax: 069/85000946
Email: jugendbildungswerk@jugendamt-of.de
Site web en allemand :
http://www.offenbach.de/Themen/Leben_in_Offenbach/Kinder_Jugend_&_Familie/
Jugend/Jugendbildung/Jugendbildungswerk
(consulté en décembre 2003)
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