Section 7
Votre projet est
en cours - Comment le gérer ?
Le racisme, l'antisémitisme,
la xénophobie et l'homophobie, ainsi que d'autres
expressions de l'intolérance, sont des formes
de préjugés et de discrimination. Aborder
ces problèmes constitue un défi d'envergure
et, en même temps, une chance et une opportunité
majeure d'apprentissage et de partage. Cela signifie
aussi toucher à des points très sensibles,
chargés d'émotions. La douleur d'avoir
enduré la discrimination fera surface, ainsi
que la rage, la colère et la honte, et les
larmes devront couler et être partagées.
La même chose peut se produire dans le cadre
de projets d'éducation par groupes de pairs
dans le domaine de la prévention du sida ou
de l'alcoolisme.
Pour tous les participants, le projet
d'éducation par groupes de pairs peut se transformer
en un processus d'apprentissage sur la vie et sur
eux-mêmes. Et, comme dans tout processus, il
est normal de traverser des phases de stress et de
difficultés imprévues.
Ces phases de stress et de difficultés
peuvent varier :
• En fonction de la nature
du projet ;
• en fonction de la phase
traversée ;
• en fonction du sujet à
l'étude ;
• en fonction du nombre de
personnes impliquées ;
• en fonction de l'environnement
;
• en fonction de la structure
du groupe de pairs ;
• en fonction du leadership
au sein du groupe.
Dans les exemples de «bonnes
pratiques» présentés dans cette
publication (Section 5), quelques-uns des moments
les plus difficiles ont été décrits
par les participants à ces programmes.
L'on peut citer les problèmes
de fond suivants (il est certainement possible d'en
identifier d'autres) :
• Épuisement ;
• confrontation à des
tâches inhabituelles ;
• surcharge de travail administratif
;
• problèmes financiers
et de financement ;
• développement du
projet dans des proportions inconnues ;
• manque de soutien ;
• problèmes de leadership,
querelles au sein du groupe, problèmes d'équipe
;
• problèmes liés
au sexe des participants ;
• gestion d'émotions
fortes chez vous et chez les autres ;
• besoin d'aider et de réconforter
les participants ; limites rencontrées ;
• confrontation aux attentes
des autres ;
• influences gênantes
en provenance de groupes ou d'autorités extérieures
;
• ennui ;
• situations dangereuses ou
risquées ;
• relations avec les médias
;
• désistements.
Vous êtes travailleur de jeunesse,
enseignant ou formateur, heureux et fier d'avoir initié
un projet d'éducation par groupes de pairs
dans votre environnement. Vous désirez que
votre projet soit une réussite et que les jeunes
s'y sentent à l'aise. Vous voulez les encadrer,
mais discrètement, en laissant aux pairs la
plus grande marge d'action possible.
Comment s'y prendre de manière
créative ?
Il est utile de garder présent
à l'esprit les points de départ de votre
projet.
En tant que formateur, vous désirez
habiliter les jeunes :
• En les encourageant à
définir leurs objectifs ;
• en les aidant à faire
des choix réfléchis ;
• en leur enseignant et en
mettant en pratique les compétences nécessaires
;
• en encourageant le soutien
mutuel, la tolérance et la gestion des émotions
au sein du groupe
• en développant un
environnement positif pour leurs activités
;
• en défendant leurs
droits ;
• en les soutenant du point
de vue émotionnel ;
• en exprimant votre confiance
en leurs capacités ;
• en créant des structures
et des systèmes de prise de décisions
qui favorisent l'expression de points de vue divergents,
rehaussent la perception et conduisent à l'exploitation
effective des informations et des expériences.
Vous désirez également
promouvoir le message contre le racisme, la xénophobie
et l'antisémitisme :
• En fournissant le matériel
utile ;
• en contribuant à
mettre en réseau des projets similaires ou
approchants ;
• en approfondissant vos connaissances
sur le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme
et d'autres formes d'intolérance ;
• en tirant les enseignements
de l'expérience quotidienne des jeunes ;
• en recrutant une équipe
hétérogène de jeunes ;
• en respectant la diversité
et la variété des besoins ;
• en traitant tout le monde
sur un même pied d'égalité.
Plus concrètement, vous
devez prendre en considération les suggestions
suivantes:
12 points pour un
encadrement efficace et non-autoritaire
1. Généralités
Chaque formateur a son style.
Mais certains éléments-clés sont
valables pour tous :
• Ils doivent encourager l'esprit
d'équipe et la coopération ;
• ils doivent reconnaître
les compétences des différents partenaires
et savoir les utiliser de la manière la plus
adéquate.
Quelquefois, l'équipe peut
ne pas réagir comme prévu. Le formateur
aide alors les pairs à réfléchir
à leur expérience, afin d'améliorer
leurs prochaines actions. Durant le travail pratique,
le formateur reste à l'écart. En réalité,
il joue différents rôles.
En tant que formateur, identifiez les responsables
de l'équipe et aidez-les, avant et après
les rencontres, à planifier, développer
des stratégies, mener des réunions et
anticiper les problèmes. Ceux-ci ont besoin
de soutien et de formation pour diriger d'autres jeunes.
Sans soutien ni formation, ils risquent de se décourager.
Discutez de l'instauration d'une
routine avec des réunions hebdomadaires ou
bi-hebdomadaires consacrées à la réflexion,
la remise en question et l'évaluation dans
un contexte calme. Prévoyez un tableau à
feuilles mobiles ou un tableau noir, afin de pouvoir
noter facilement, au fur et à mesure, ce qui
s'est passé, bien ou mal, ce qui pourrait être
amélioré. Les questions «Qu'est-ce
qui s'est bien passé ?», «Qu'est-ce
qui pourrait être amélioré ?»,
«Quels points nécessitent une plus ample
discussion/évaluation ?» doivent
servir de baromètre du développement
du projet et de base aux discussions avec le groupe.
Commencez toujours par les questions positives : «Qu'est-ce
qui s'est bien passé ?», «Quels
résultats avez-vous obtenus individuellement
ou en groupe?». Attendez-vous à ce que
les jeunes n'aient pas besoin de vous lorsque vous
voulez leur apprendre quelque chose, mais soyez toujours
là lorsqu'ils ont besoin de vous.
2. Attentes et objectifs. Activisme
et épuisement
Le formateur ne peut pas
atteindre lui-même les objectifs ; c'est le
rôle de l'équipe. Celui du formateur
consiste à injecter du réalisme dans
le projet sans briser l'idéalisme de l'équipe.
L'épuisement est l'un des
résultats fréquents de l'activisme.
Prévenir ce risque signifie : s'aimer, prendre
du repos, impliquer davantage de personnes, déléguer
les tâches, se fixer des objectifs réalistes,
trouver les ressources nécessaires (parrains,
argent, etc.). Le thème de votre programme
d'éducation par groupes de pairs, la lutte
contre le racisme et la xénophobie, est sérieux.
Travailler sur des projets et des programmes peut
être amusant et gratifiant, tant pour les jeunes
que pour leurs formateurs.
3. Administration et planning
Désignez une personne
disposée à assister le groupe de pairs
dans les tâches administratives. Celle-ci doit
pouvoir venir régulièrement quelques
heures par semaine, afin de diminuer la pression.
Proposez-lui d'utiliser les locaux et le matériel
à certains moments de la semaine.
Organisez une session avec le groupe
de pairs pour parler des outils de planning. Proposez
un exercice pour apprendre à utiliser les plannings
annuels et hebdomadaires. Lancez une discussion pour
ou contre le «planning» par rapport à
l'action «spontanée». Demandez
au groupe de choisir une personne pour la tenue de
l'agenda. Discutez des phases éventuelles des
projets (organisation d'un camp, d'une manifestation,
élaboration de matériel pédagogique,
etc.).
4. Finances et financement
Proposez au groupe de pairs
une session sur le thème de «l'argent»
et sa valeur dans notre société. Parlez
des contrats de travail rémunéré
et du volontariat. Discutez de la signification du
financement et de la façon dont les fonds disponibles
déterminent en grande partie l'envergure du
projet. Discutez des sponsors éventuels.
Faites appel aux jeux de rôle
pour leur apprendre à convaincre un sponsor
de l'importance et du caractère unique de leur
projet. Présentez les différentes options
budgétaires, en précisant que, sans
beaucoup d'argent, il est possible de faire beaucoup
de choses. Entraînez-les à faire un budget.
Aidez-les à rechercher des sponsors et des
promoteurs pour leur campagne.
5. Développement du projet
Discutez de l'avancement
du projet. Jusqu'à maintenant, peut-on identifier
des phases distinctes ?
• Quelles sont les implications,
lorsque le projet parvient à une nouvelle étape
de son développement ?
• Que faut-il faire ensuite ?
• Qui attend avec impatience
les nouveaux défis à relever ?
Qui les craint ? Pourquoi ?
• Comment pouvons-nous nous
soutenir mutuellement ? Avons-nous besoin pour
ce projet de davantage de personnes, de participants
ou d'aide extérieure ?
6. Problèmes de leadership,
problèmes d'équipe
Que faites-vous, en tant
que formateur, lorsque vous êtes en désaccord
avec le groupe ? Manifestez-vous rapidement
votre opposition ? Quelles sont les erreurs enrichissantes
pour les jeunes ? Quelles sont celles qui mettent
le projet en danger ? Êtes-vous sûr
d'en savoir davantage que les jeunes ? Comment
transmettre vos informations de manière non
«adultiste» («Quand vous serez
plus grands, vous saurez que... «, ou «Avez-vous
pensé à ce qui arriverait si... «).
D'une manière générale,
soutenez le responsable de jeunesse et n'acceptez
pas qu'il soit fortement critiqué ou accablé.
Acceptez les critiques du groupe à propos de
votre travail, tant qu'elles sont constructives, mais
demandez que l'on fasse preuve de respect à
votre égard comme vous le feriez à l'égard
des autres.
Faites appel à diverses
méthodes pédagogiques, telles des questionnaires,
des énigmes, des coupures de journaux, etc.,
afin d'aborder les questions suivantes :
• Que signifie le leadership ?
• Qui veut remplir ce rôle ?
Pourquoi ? Qui ne veut pas jouer ce rôle ?
Pourquoi ?
• N'existe-t-il que des avantages
à être responsable (admiration, pouvoir,
accomplissement, fierté), ou existe-t-il également
des inconvénients (surcharge de travail, perte
d'énergie, accablement et épuisement) ?
• Peut-il y avoir des modèles
de leadership alternatifs ? Le leadership partagé ?
Le leadership tournant ?
• Qu'est-ce qu'une équipe ?
Pourquoi formons-nous une équipe ? Quels
sont nos objectifs ? Pour quelles raisons pourrions-nous
nous diviser ? Quels sont les facteurs dérangeants ?
• Comment gérer les
divisions de manière rapide et franche ?
• Comment se débarrasser
des éléments perturbateurs ?
7. Problèmes liés
au sexe
Faites appel à
des méthodes pédagogiques pour aborder
les questions suivantes :
• Nous avons initié
un projet contre le racisme et l'intolérance.
Le racisme et l'intolérance ont-ils quelque
chose à voir avec le sexisme (et vice-versa) ?
• Le racisme et l'intolérance
concernent aussi nos sentiments en tant qu'individu.
Comment les jeunes du groupe appréhendent-ils
leur identité et leur rôle dans la société ?
Comment nous, filles et garçons, avons-nous
appris nos rôles respectifs pendant notre enfance ?
Les filles de différentes
ethnies perçoivent-elles différemment
leur position dans la société ?
Peut-on lutter contre la discrimination
à l'extérieur de notre groupe si celle-ci
règne à l'intérieur du groupe ?
Essayez de diviser le groupe en deux
sous-groupes, respectivement féminin et masculin.
Faites-les d'abord travailler séparément,
puis ensemble. Laissez-les s'interroger sur le fait
de savoir si une telle séparation serait applicable
positivement dans le cas des ethnies.
8. Gestion des émotions
Faites appel à différentes
méthodes pédagogiques pour évaluer
:
• Qu'est-ce que les émotions ?
Comment nous influencent-elles ?
• Que nous apprend la société
(la famille, les amis, les petits amis, les enseignants,
la télévision, les films, notre chef)
sur les émotions ?
• Dans quelles situations
les émotions sont-elles «permises»
ou, au contraire, «interdites» ?
• Lorsque nous considérons
les autres cultures - Les émotions sont-elles
vécues différemment ?
• Qui exprime facilement ses
émotions ? Qui ne le fait pas facilement ?
• Les filles et les garçons
expriment-ils leurs émotions de la même
façon ?
• Pourquoi les émotions
nous effraient-elles ?
• Quel rapport y-a-t-il entre
émotions et discrimination ?
• Quels effets la discrimination
a-t-elle sur nous ?
• Que ressentons-nous face
à la discrimination ? Connaissons-nous
ce sentiment personnellement ?
• Lorsque, pendant notre enfance,
nous éprouvions un sentiment de malaise, qui
était là pour nous réconforter ?
De quelle manière ? Et aujourd'hui ?
• Comment pouvons-nous consoler
quelqu'un qui éprouve des regrets, de la peine,
ou de la tristesse ?
• Peut-on s'exercer à
réconforter et à calmer ? Nous
comportons-nous de façon différente
selon qu'il s'agit de filles ou de garçons,
ou en fonction du choix sexuel, de la culture et de
la religion des personnes concernées ?
9. Gestion de la pression extérieure
Des institutions et des
individus - les parents d'un jeune participant, un
organisme de financement, ou d'autres groupes - peuvent
tenter de perturber ou de mettre un terme à
votre projet d'éducation par groupes de pairs.
Que pouvez-vous faire, vous et le groupe, pour contrer
cette pression extérieure ? En tant que
formateur, vous allez défendre votre projet
et votre groupe de votre mieux. Cela peut signifier
le présenter à une instance importante
ou à une personne influente, ou encore avoir
une discussion de fond avec votre supérieur
ou votre directeur.
Parallèlement, il peut être
utile d'aborder avec votre groupe les questions de
pouvoir, de pression et de contre-pression, et le
rôle des groupes de pression. Il est important
que les jeunes connaissent leurs droits et en usent.
• Qui détient le pouvoir
dans notre société ? Pourquoi ?
• Quel est le lien entre pouvoir
et racisme ?
• Où pouvons-nous reconnaître
des contre-pouvoirs ? Où se trouve l'équilibre
du pouvoir ? Comment parvenir à un compromis ?
• Quelles attentes plaçons-nous
dans les autres secteurs de la société
(institutions, écoles, centres de jeunes, etc.
) ?
• A quoi le groupe est-il
prêt à renoncer ? Quelles sont les
conditions du compromis ?
• Comment être diplomate
- et parvenir à atteindre la plupart de vos
objectifs ?
• Les membres du groupe ont-ils
moins de droits que les adultes parce qu'ils sont
jeunes ?
10. Situations risquées ou
dangereuses
Votre groupe de pairs risque
de se heurter à la résistance ou à
l'agressivité de groupes ou d'individus racistes,
antisémites ou xénophobes. Discutez
de ce que vous considérez risqué ou
dangereux. Analysez les répercussions éventuelles
de la rencontre avec des groupes racistes ou agressifs.
• Serait-il utile pour le
projet de se lancer dans une telle confrontation ?
• Qu'est-ce qui vous permettrait
d'atteindre vos objectifs en minimisant les risques ?
Peut-être souhaiterez-vous
ajouter un débat sur le thème de la
violence et de ses diverses formes d'expression. Quel
est le rapport avec le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance ?
11. Contacts avec les médias
Les contacts avec les médias
sont importants pour votre projet, mais aussi pour
les membres du groupe. Discutez du rôle des
médias.
• De quelle façon les
médias influent-ils sur votre perception du
monde ?
• Pourquoi la couverture médiatique
est-elle importante pour votre projet ?
• Est-il utile de désigner
un «spécialiste des médias»
dans le groupe ?
• Faut-il définir une
politique de travail avec les médias ?
Proposez des exercices sur les méthodes
de rédaction d'une lettre à un rédacteur
en chef, sur la manière de répondre
dans le cadre d'un interview. Comment les réponses
seront-elles reproduites par les médias ?
12. Désistements - Comment
«préserver la flamme»
Il y aura des moments où
certains voudront se désister. Discutez et
faites des exercices avec le groupe sur les répercussions
des désistements. Vous voudrez peut-être
utiliser des jeux de rôle.
• Que pensent les différents
membres du groupe à ce propos ?
• Quelles peuvent-être
les raisons qui expliquent la volonté de mettre
fin à son engagement ? La lassitude ?
De nouveaux centres d'intérêt ?
Ces raisons ont-elles quelque chose à voir
avec le projet ?
• Est-il naturel que cela
se produise, où ces désistements sont-ils
considérés comme une traîtrise
à l'égard du groupe ?
• Comment le projet peut-il
survivre ?
• Comment trouver des successeurs ?
Est-il possible de négocier le départ
de ces participants au moment où les nouveaux
sont prêts à prendre leur succession ?
• Les nouveaux arrivants apportent-ils
de nouvelles chances, de nouvelles approches ?
Et enfin :
Comment vous et le groupe
de pairs pouvez-vous mesurer le succès de votre
projet ?
Vous avez peut-être rencontré
d'autres gens, partagé des histoires de discrimination,
vous vous êtes peut-être élevé
contre des blagues ou des insultes racistes, vous
avez organisé une manifestation, vous vous
êtes peut-être lancé en quête
d'autres objectifs ou embarqué dans d'autres
activités, vous avez peut-être construit
un réseau, ou changé l'ambiance de votre
groupe, d'un centre de jeunes ou d'une école.
Comme dit le taoïste : le chemin
est l'objectif.
Tout ce qui arrive lors de la
quête d'un objectif est intéressant,
à condition :
• Que cela ne ruine pas ou
ne mette pas le projet en danger, ou que cela n'épuise
les jeunes ou vous-même ;
• que cela n'aille pas à
l'encontre des objectifs que vous avez définis
dans le cadre de ce projet ;
• que cela ne blesse pas les
personnes engagées dans votre projet ;
• que le groupe tire les enseignements
de ses erreurs.
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