Section 3
Pourquoi utiliser
l'éducation par groupes de pairs comme approche
pédagogique dans la Campagne «tous différents
- tous égaux» ?
10 points justifiant l'utilisation de
l'éducation par groupes de pairs dans une campagne
contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme
et l'intolérance.
1. L'éducation par groupes
de pairs lutte contre le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance
par le biais de moyens familiers à la jeunesse
Les préjugés
raciaux sont étroitement liés à
la notion d'identité de groupe et de comportement
de groupe, et donc à la façon dont l'individu
se perçoit en tant que membre d'un groupe ethnique
et social spécifique par rapport aux autres
groupes. Parallèlement, l'adolescence est une
période cruciale du développement de
l'individu et de son identité ; le desserrement
des liens familiaux ouvre la voie à diverses
options d'identité de groupe. L'ethnie, en
tant qu'identité spécifique, peut devenir
très importante à cette époque
de la vie.
L'éducation par groupes de
pairs trouve sa force dans le potentiel au leadership
de chaque jeune et dans les valeurs de groupe des
jeunes. Elle transmet son message par le biais de
ces intermédiaires qui jouent un rôle
important à l'adolescence.
2. Chaque jeune connaît la
discrimination par expérience personnelle
Le racisme est - entre autres
choses - le reflet des structures du pouvoir : les
puissants discriminent les faibles.
La même chose est valable pour
«l'adultisme» : par ce terme, nous désignons
le système qui prévaut dans la plupart
des sociétés modernes et qui accorde
davantage de valeur et de respect aux actes, aux opinions
et aux décisions émanant des adultes.
L'on répète et l'on enseigne souvent
aux enfants et aux adolescents qu'ils doivent attendre
l'âge adulte avant d'être pleinement respectés.
Les jeunes ayant beaucoup moins de pouvoir que les
adultes, ils font l'objet de discrimination. Par conséquent,
tous savent d'une certaine façon à quoi
ressemble la discrimination. Ne pas être pris
au sérieux, voir ses souhaits légitimes
rejetés, telles sont les premières expériences
de la discrimination de chacun dans nos sociétés
(pour de plus amples informations, voir : Miller,
1979 ; van den Broeck, 1993 ; Jungk/Muellert, 1989).
Ensuite, les jeunes forment des groupes
de pairs et gagnent du pouvoir par le biais de cette
nouvelle identité. Des groupes de pairs forts
et des comportements de groupe forts sont peut-être
la réponse au fossé qui sépare
les jeunes des adultes en matière de pouvoir.
Les groupes de pairs et leurs valeurs
jouent un rôle capital dans cette lutte pour
le pouvoir entre les différents groupes - sociaux
ou ethniques - de jeunes. Si les idées et les
comportements xénophobes ou antisémites
prédominent, alors les groupes de pairs peuvent
en être le véhicule (membres du groupe
contre non-membres). Dans ce cas, il faut absolument
briser ces modèles et les remplacer par des
valeurs et des attitudes non-racistes, ainsi que par
l'aptitude à accepter la diversité.
L'éducation par groupes de pairs semble constituer
à cet égard l'approche pédagogique
la plus appropriée.
3. L'éducation par groupes
de pairs favorise l'habilitation et la fierté
du leadership
Le racisme, l'antisémitisme,
la xénophobie et l'intolérance trouvent
en général leurs racines dans le sentiment
d'impuissance et les mauvais traitements endurés.
«Les êtres humains doivent avoir été
maltraités de manière systématique
avant de maltraiter les autres» (National Coalition
Building Institute, 1992).
Les mouvements ultranationalistes,
racistes, antisémites et xénophobes
font alors leur apparition, manipulant les sentiments
d'infériorité résultant des mauvais
traitements. Ils offrent une identité apparemment
«supérieure» basée sur la
violence et l'oppression des autres.
L'éducation par groupes de
pairs incite les jeunes à agir et à
s'imposer en tant que leaders. Elle les rend fiers
des succès obtenus. Ces sentiments positifs
permettent de considérer plus sereinement ses
anciennes blessures et les causes des mauvais traitements
endurés.
4. Le partage des sentiments ouvre
la voie à l'acceptation de la diversité
La discrimination représente
une forme d'oppression de groupe. Des groupes d'êtres
humains sont qualifiés de «sales»,
«inutiles», «dangereux», cupides»,
«violents», sans que ne soit pris en considération
le caractère propre à chaque membre
du groupe. Pourtant, la victime est blessée
en tant qu'individu et souffre individuellement de
cette discrimination. Cette souffrance s'exprime au
travers de la honte et, souvent, pour masquer cette
honte, se transforme en violente rage.
En partageant ses expériences
de mauvais traitements et la douleur endurée,
il est possible de partager, voire d'annihiler la
honte ressentie. L'identité individuelle et
de groupe est renforcée par le biais de la
solidarité.
Un sentiment positif de fierté
de son identité se développe alors et
peut ouvrir la voie à l'acceptation de la fierté
de l'autre par rapport à sa propre identité.
Se comprendre permet de comprendre les autres. Ainsi,
la diversité devient une valeur positive dans
la vie.
"Jeunes Blancs et Noirs
vivent des expériences et des problèmes
similaires en matière d'emploi, de scolarité
et de logement. Au lieu de s'unir, ils se divisent
et recherchent des boucs émissaires. La tentative
pour comprendre les questions raciales et ethniques
au sein des structures de la vie urbaine locale promet
d'être un processus lent et hésitant,
mais qui permettra de créer des alliances."
(Ritchie/Marken, 1986, page 17)
5. L'éducation par
groupes de pairs contre le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et l'intolérance remplace
les anciennes valeurs de groupe par des nouvelles
Les comportements racistes
et intolérants forment souvent un modèle
contagieux au sein d'un groupe de jeunes - la même
chose vaut pour d'autres formes d'oppression comme
le sexisme, la discrimination à l'égard
des handicapés, etc. Personne, au sein du groupe,
n'ose s'exprimer ou s'opposer à un chef raciste
ou à une fraction raciste au sein du groupe.
Ainsi, le climat devient de plus en plus malsain.
Les responsables d'éducation
par groupes de pairs définissent de nouveaux
modèles de rôle porteurs de nouvelles
valeurs et de normes positives qui vont aussi séduire
les autres membres du groupe.
6. L'éducation par groupes
de pairs contre le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et l'intolérance peut
créer un effet de boule de neige au sein d'un
groupe plus large
Le racisme et d'autres formes
d'intolérance sont contagieux pour l'environnement
du groupe et peuvent empoisonner l'atmosphère.
Les expériences positives et séduisantes
des programmes d'éducation par groupes de pairs
sont rapidement partagées et peuvent donner
lieu à une contre-réaction. Le succès
de cette action va finir par convaincre les adultes
au départ peu disposés à se joindre
au mouvement.
7. L'éducation par groupes
de pairs contre le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et l'intolérance préserve
les idéaux
Les jeunes qui ont eu la
chance de grandir sans endurer de mauvais traitements
sont remplis d'idéalisme et d'amour pour le
monde et l'humanité toute entière. Ils
n'ont pas été conditionnés par
la cupidité, la compétition et le chauvinisme
inhérents à notre système social.
Leur intuition leur permet de déceler le mal
et la discrimination.
L'action par groupes de pairs contre
le racisme représente une chance pour que les
jeunes préservent les idéaux qui les
lient et y puisent la force nécessaire pour,
ensemble, changer le monde. «L'adultisme»
(voir ci-dessus au point 2.) consisterait à
leur dire qu'ils vont devoir renoncer rapidement à
ces idéaux pour s'adapter aux «réalités
de la vie». L'action par groupes de pairs contre
le racisme leur dit que leur perception du monde est
parfaitement juste et leur donne les moyens de concrétiser
leurs idéaux.
Cette habilitation a un impact sur
d'autres aspects de leur vie qui ne sont pas nécessairement
en rapport avec le problème originel.
8. Le succès motive et ouvre
la voie à d'autres actions positives
Les expériences positives,
individuelles et de groupe, et les actions de leadership
réussies donnent le courage d'aller de l'avant.
Si un groupe de pairs parvient à régler
un conflit racial mineur, dans un centre de jeunes
par exemple, par le biais d'efforts communs et grâce
aux compétences des pairs, cela créera
une impulsion positive.
L'éducation par groupes de
pairs apporte des compétences en matière
d'apprentissage et de formation, par exemple par l'organisation
d'une manifestation antiraciste, par l'envoi de lettres
à un journal, par des discours publics ou la
mise en oeuvre d'ateliers. Les compétences
permettant de gérer des incidents racistes
mineurs peuvent être renforcées, afin
de permettre de s'attaquer à des problèmes
plus graves, comme des conflits entre groupes ou des
actes de violence. La dynamique de groupe parmi les
pairs est capitale. La formation d'équipes
peut contribuer à changer toutes les institutions
par le biais d'un processus lent mais sûr. Cela
peut permettre de démarrer avec une première
intervention en cas de crise, puis de passer à
la prévention, en changeant les comportements
et le climat au sein du groupe de pairs et des institutions
concernées.
9. Une jeunesse confiante en elle
remet en question le monde des adultes
Les comportements racistes
et xénophobes et les disparités dans
le traitement des groupes minoritaires ethniques,
religieux ou sexuels peuvent faire partie intégrante
des structures d'une école ou d'une organisation
de jeunesse désireuse de lancer un programme
d'éducation par groupes de pairs contre le
racisme.
Les institutions rechignent souvent
à : a) Mettre en oeuvre des programmes antiracistes,
et b) à développer des initiatives d'éducation
par groupes de pairs. Parmi les raisons invoquées
par celles-ci, on trouve souvent la peur d'instaurer
les changements institutionnels nécessaires
et les questions d'autorité. En libérant
les forces créatives des jeunes, les programmes
d'éducation par groupes de pairs contre le
racisme peuvent remettre en question certains comportements
racistes, les structures du pouvoir et les disparités
ethniques au sein du système. C'est l'enthousiasme
des jeunes et l'amélioration visible de la
situation qui peuvent permettre de franchir les barrières
institutionnelles.
«La décision de développer
des activités antiracistes dépendra
dans une certaine mesure de la volonté du travail
de jeunesse d'endurer l'inconfort que procure la reconnaissance
de son racisme et de son inaptitude à proposer
une réponse significative au racisme des jeunes
Blancs.»
(Ritchie/Marken, 1986, page 7)
10. L'éducation par groupes
de pairs peut changer l'environnement familial des
jeunes
Les jeunes engagés
dans des programmes d'éducation par groupes
de pairs contre le racisme, la xénophobie,
l'antisémitisme et l'intolérance rentreront
chez eux avec de nouvelles idées sur le monde.
Ils confronteront probablement leurs parents avec
ces valeurs ou les informeront de leurs relations
avec des groupes d'autres ethnies. Cela pourrait éveiller
des tensions qui, finalement, pourraient déboucher
sur un changement des attitudes au sein de la famille.
Lorsque les parents constateront que leurs enfants
sont plus heureux et plus épanouis, ils renonceront
à certains de leurs préjugés.
L'effet de boule de neige pourrait induire de nouvelles
activités antiracistes dans l'environnement
familial ou dans le voisinage.
Vous souhaiterez peut-être
vous référer à l'étude
plus détaillée sur la discrimination
et la xénophobie figurant dans le manuel
« Repères », pour
y trouver d'autres raisons d'utiliser l'éducation
par groupes de pairs et d'autres domaines d'application.
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