Être raciste, c 'est se comporter à l'égard des autres comme s'ils n 'étaient pas des êtres humains comme vous.

Dan Paunescu,
17 ans, Roumanie

Section 3

Pourquoi utiliser l'éducation par groupes de pairs comme approche pédagogique dans la Campagne «tous différents - tous égaux» ?

10 points justifiant l'utilisation de l'éducation par groupes de pairs dans une campagne contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance.

1. L'éducation par groupes de pairs lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance par le biais de moyens familiers à la jeunesse

Les préjugés raciaux sont étroitement liés à la notion d'identité de groupe et de comportement de groupe, et donc à la façon dont l'individu se perçoit en tant que membre d'un groupe ethnique et social spécifique par rapport aux autres groupes. Parallèlement, l'adolescence est une période cruciale du développement de l'individu et de son identité ; le desserrement des liens familiaux ouvre la voie à diverses options d'identité de groupe. L'ethnie, en tant qu'identité spécifique, peut devenir très importante à cette époque de la vie.

L'éducation par groupes de pairs trouve sa force dans le potentiel au leadership de chaque jeune et dans les valeurs de groupe des jeunes. Elle transmet son message par le biais de ces intermédiaires qui jouent un rôle important à l'adolescence.

2. Chaque jeune connaît la discrimination par expérience personnelle

Le racisme est - entre autres choses - le reflet des structures du pouvoir : les puissants discriminent les faibles.

La même chose est valable pour «l'adultisme» : par ce terme, nous désignons le système qui prévaut dans la plupart des sociétés modernes et qui accorde davantage de valeur et de respect aux actes, aux opinions et aux décisions émanant des adultes. L'on répète et l'on enseigne souvent aux enfants et aux adolescents qu'ils doivent attendre l'âge adulte avant d'être pleinement respectés. Les jeunes ayant beaucoup moins de pouvoir que les adultes, ils font l'objet de discrimination. Par conséquent, tous savent d'une certaine façon à quoi ressemble la discrimination. Ne pas être pris au sérieux, voir ses souhaits légitimes rejetés, telles sont les premières expériences de la discrimination de chacun dans nos sociétés (pour de plus amples informations, voir : Miller, 1979 ; van den Broeck, 1993 ; Jungk/Muellert, 1989).

Ensuite, les jeunes forment des groupes de pairs et gagnent du pouvoir par le biais de cette nouvelle identité. Des groupes de pairs forts et des comportements de groupe forts sont peut-être la réponse au fossé qui sépare les jeunes des adultes en matière de pouvoir.

Les groupes de pairs et leurs valeurs jouent un rôle capital dans cette lutte pour le pouvoir entre les différents groupes - sociaux ou ethniques - de jeunes. Si les idées et les comportements xénophobes ou antisémites prédominent, alors les groupes de pairs peuvent en être le véhicule (membres du groupe contre non-membres). Dans ce cas, il faut absolument briser ces modèles et les remplacer par des valeurs et des attitudes non-racistes, ainsi que par l'aptitude à accepter la diversité. L'éducation par groupes de pairs semble constituer à cet égard l'approche pédagogique la plus appropriée.

3. L'éducation par groupes de pairs favorise l'habilitation et la fierté du leadership

Le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie et l'intolérance trouvent en général leurs racines dans le sentiment d'impuissance et les mauvais traitements endurés. «Les êtres humains doivent avoir été maltraités de manière systématique avant de maltraiter les autres» (National Coalition Building Institute, 1992).

Les mouvements ultranationalistes, racistes, antisémites et xénophobes font alors leur apparition, manipulant les sentiments d'infériorité résultant des mauvais traitements. Ils offrent une identité apparemment «supérieure» basée sur la violence et l'oppression des autres.

L'éducation par groupes de pairs incite les jeunes à agir et à s'imposer en tant que leaders. Elle les rend fiers des succès obtenus. Ces sentiments positifs permettent de considérer plus sereinement ses anciennes blessures et les causes des mauvais traitements endurés.

4. Le partage des sentiments ouvre la voie à l'acceptation de la diversité

La discrimination représente une forme d'oppression de groupe. Des groupes d'êtres humains sont qualifiés de «sales», «inutiles», «dangereux», cupides», «violents», sans que ne soit pris en considération le caractère propre à chaque membre du groupe. Pourtant, la victime est blessée en tant qu'individu et souffre individuellement de cette discrimination. Cette souffrance s'exprime au travers de la honte et, souvent, pour masquer cette honte, se transforme en violente rage.

En partageant ses expériences de mauvais traitements et la douleur endurée, il est possible de partager, voire d'annihiler la honte ressentie. L'identité individuelle et de groupe est renforcée par le biais de la solidarité.

Un sentiment positif de fierté de son identité se développe alors et peut ouvrir la voie à l'acceptation de la fierté de l'autre par rapport à sa propre identité. Se comprendre permet de comprendre les autres. Ainsi, la diversité devient une valeur positive dans la vie.

"Jeunes Blancs et Noirs vivent des expériences et des problèmes similaires en matière d'emploi, de scolarité et de logement. Au lieu de s'unir, ils se divisent et recherchent des boucs émissaires. La tentative pour comprendre les questions raciales et ethniques au sein des structures de la vie urbaine locale promet d'être un processus lent et hésitant, mais qui permettra de créer des alliances."

(Ritchie/Marken, 1986, page 17)

5. L'éducation par groupes de pairs contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance remplace les anciennes valeurs de groupe par des nouvelles

Les comportements racistes et intolérants forment souvent un modèle contagieux au sein d'un groupe de jeunes - la même chose vaut pour d'autres formes d'oppression comme le sexisme, la discrimination à l'égard des handicapés, etc. Personne, au sein du groupe, n'ose s'exprimer ou s'opposer à un chef raciste ou à une fraction raciste au sein du groupe. Ainsi, le climat devient de plus en plus malsain.

Les responsables d'éducation par groupes de pairs définissent de nouveaux modèles de rôle porteurs de nouvelles valeurs et de normes positives qui vont aussi séduire les autres membres du groupe.

6. L'éducation par groupes de pairs contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance peut créer un effet de boule de neige au sein d'un groupe plus large

Le racisme et d'autres formes d'intolérance sont contagieux pour l'environnement du groupe et peuvent empoisonner l'atmosphère. Les expériences positives et séduisantes des programmes d'éducation par groupes de pairs sont rapidement partagées et peuvent donner lieu à une contre-réaction. Le succès de cette action va finir par convaincre les adultes au départ peu disposés à se joindre au mouvement.

7. L'éducation par groupes de pairs contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance préserve les idéaux

Les jeunes qui ont eu la chance de grandir sans endurer de mauvais traitements sont remplis d'idéalisme et d'amour pour le monde et l'humanité toute entière. Ils n'ont pas été conditionnés par la cupidité, la compétition et le chauvinisme inhérents à notre système social. Leur intuition leur permet de déceler le mal et la discrimination.

L'action par groupes de pairs contre le racisme représente une chance pour que les jeunes préservent les idéaux qui les lient et y puisent la force nécessaire pour, ensemble, changer le monde. «L'adultisme» (voir ci-dessus au point 2.) consisterait à leur dire qu'ils vont devoir renoncer rapidement à ces idéaux pour s'adapter aux «réalités de la vie». L'action par groupes de pairs contre le racisme leur dit que leur perception du monde est parfaitement juste et leur donne les moyens de concrétiser leurs idéaux.

Cette habilitation a un impact sur d'autres aspects de leur vie qui ne sont pas nécessairement en rapport avec le problème originel.

8. Le succès motive et ouvre la voie à d'autres actions positives

Les expériences positives, individuelles et de groupe, et les actions de leadership réussies donnent le courage d'aller de l'avant. Si un groupe de pairs parvient à régler un conflit racial mineur, dans un centre de jeunes par exemple, par le biais d'efforts communs et grâce aux compétences des pairs, cela créera une impulsion positive.

L'éducation par groupes de pairs apporte des compétences en matière d'apprentissage et de formation, par exemple par l'organisation d'une manifestation antiraciste, par l'envoi de lettres à un journal, par des discours publics ou la mise en oeuvre d'ateliers. Les compétences permettant de gérer des incidents racistes mineurs peuvent être renforcées, afin de permettre de s'attaquer à des problèmes plus graves, comme des conflits entre groupes ou des actes de violence. La dynamique de groupe parmi les pairs est capitale. La formation d'équipes peut contribuer à changer toutes les institutions par le biais d'un processus lent mais sûr. Cela peut permettre de démarrer avec une première intervention en cas de crise, puis de passer à la prévention, en changeant les comportements et le climat au sein du groupe de pairs et des institutions concernées.

9. Une jeunesse confiante en elle remet en question le monde des adultes

Les comportements racistes et xénophobes et les disparités dans le traitement des groupes minoritaires ethniques, religieux ou sexuels peuvent faire partie intégrante des structures d'une école ou d'une organisation de jeunesse désireuse de lancer un programme d'éducation par groupes de pairs contre le racisme.

Les institutions rechignent souvent à : a) Mettre en oeuvre des programmes antiracistes, et b) à développer des initiatives d'éducation par groupes de pairs. Parmi les raisons invoquées par celles-ci, on trouve souvent la peur d'instaurer les changements institutionnels nécessaires et les questions d'autorité. En libérant les forces créatives des jeunes, les programmes d'éducation par groupes de pairs contre le racisme peuvent remettre en question certains comportements racistes, les structures du pouvoir et les disparités ethniques au sein du système. C'est l'enthousiasme des jeunes et l'amélioration visible de la situation qui peuvent permettre de franchir les barrières institutionnelles.

«La décision de développer des activités antiracistes dépendra dans une certaine mesure de la volonté du travail de jeunesse d'endurer l'inconfort que procure la reconnaissance de son racisme et de son inaptitude à proposer une réponse significative au racisme des jeunes Blancs.»

(Ritchie/Marken, 1986, page 7)

10. L'éducation par groupes de pairs peut changer l'environnement familial des jeunes

Les jeunes engagés dans des programmes d'éducation par groupes de pairs contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance rentreront chez eux avec de nouvelles idées sur le monde. Ils confronteront probablement leurs parents avec ces valeurs ou les informeront de leurs relations avec des groupes d'autres ethnies. Cela pourrait éveiller des tensions qui, finalement, pourraient déboucher sur un changement des attitudes au sein de la famille. Lorsque les parents constateront que leurs enfants sont plus heureux et plus épanouis, ils renonceront à certains de leurs préjugés. L'effet de boule de neige pourrait induire de nouvelles activités antiracistes dans l'environnement familial ou dans le voisinage.

Vous souhaiterez peut-être vous référer à l'étude plus détaillée sur la discrimination et la xénophobie figurant dans le manuel « Repères », pour y trouver d'autres raisons d'utiliser l'éducation par groupes de pairs et d'autres domaines d'application.

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