Certains disent qu 'il y a un peu de racisme en tout être humain. Moi, je dis : Si c 'est la vérité, alors il y en a qui exagèrent. Dans ma ville, la plupart des racistes semblent avoir leurs raisons pour être ce qu 'ils sont, et ces raisons sont la stupidité et la jalousie.

Rene Maarlain, 21 ans, Espagne

Je trouve très cruel et raciste lorsque certains font des remarques à mon sujet et au sujet de mon ami Sagil qui vient de Gambie. Quelques-uns de mes amis les plus «proches» se moquent quelquefois de nous. Je pense qu'ils ont des préjugés et sont racistes en même temps.

Tanya Klikkenborg,
18 ans, Danoise

Pour mol, le racisme est une maladie à laquelle nous devons tous ensemble trouver un remède. La haine à l'égard des personnes de couleur de peau différente, c 'est l'expression de la stupidité et de l'ignorance. Que, dans ce monde, certains passent tout leur temps à détester les autres, ça me dégoûte. En même temps, je suis effrayé par le fait que des gens puissent être
à ce point aveuglés par la haine. Quand je pense à l'étendue de nos connaissances et au niveau de développement de notre société aujourd'hui, je suis convaincu que le racisme devrait faire partie du passé. Il semble que l'humanité ne soit pas parvenue à comprendre et à admettre que nous sommes tous égaux.

Antonio Carras, 21 ans, vit en Norvège,originaire d'Espagne

Section 2

Qu'est-ce que l'éducation par groupes de pairs ?

Définitions

«Groupe de pairs. D'un point de vue technique, le groupe de pairs désigne toute collectivité dont les membres présentent quelques caractéristiques communes, comme l'âge ou l'ethnie. Ce concept fait plus généralement référence aux groupes d'âge, et plus spécifiquement aux groupes d'adolescents dont les membres sont étroitement liés par une culture de jeunesse. Les groupes de pairs d'adolescents tendent à se caractériser par : 1) Un fort degré de solidarité sociale ; 2) une organisation hiérarchique ; 3) un code qui rejette - ou contraste avec - les valeurs et les expériences des adultes. D'un point de vue adulte, les groupes de pairs sont souvent déviants, car la délinquance trouve son soutien dans les récompenses qu'apporte l'appartenance au groupe.» (Le pair est un membre d'un groupe de pairs.)

(Abercrombie, 1988)

«L'éducation par groupes de pairs est une méthode de transfert d'informations ou de modelage de rôle, par laquelle un type d'information ou de comportement particulier est transféré. Les animateurs pairs s'accordent parfaitement à leur groupe cible par le biais d'une caractéristique partagée ; que ce soit l'âge, la sexualité, le sexe, etc.»

(Brammer/Walker, 1995)

Dans cette publication, nous nous sommes concentrés sur le travail avec des jeunes entre 14 et 20 ans, bien que l'éducation par groupes de pairs et les programmes s'y rapportant touchent des tranches d'âge très variées.

Les jeunes en tant que formateurs

Les jeunes sont souvent décrits de manière négative, comme des fauteurs de trouble, des instigateurs et des agresseurs, et identifiés comme responsables de maints problèmes sociaux. En leur offrant la possibilité de créer leurs propres programmes d'éducation et d'information, ils parviendront à développer des qualités d'engagement, de loyauté et d'idéalisme.

Les programmes d'éducation par groupes de pairs permettent aux jeunes d'aborder les problèmes qui les touchent. Le processus, en partie social, peut alors consister à mettre en place des forums pour que les jeunes puissent explorer de nouvelles frontières et résoudre leurs problèmes, mais aussi à donner aux décideurs la possibilité de mieux comprendre le point de vue des jeunes.

La pression exercée par le groupe de pairs sur les jeunes est traditionnellement jugée négative : c'est au sein de ce groupe que les jeunes «prennent des mauvaises habitudes, commencent à fumer et à se droguer».

Utiliser cette dynamique de groupe de manière positive, tel est l'enjeu de l'éducation par groupes de pairs.

«Le pair en mesure de comprendre un ardent désir d'indépendance et de maturité et capable de tempérer ce désir par la responsabilité et la réflexion, se trouve dans une position stratégique pour corriger les fausses informations reçues et façonner les valeurs de son groupe, sans perdre sa crédibilité auprès des jeunes. Les adolescents peuvent influer de manière décisive sur les comportements et les valeurs de leurs amis, particulièrement dans les situations de prise de risque.»

(Centre for Population Options, USA, 1993)

Le groupe de pairs exerce une influence majeure sur les valeurs et les comportements de beaucoup de jeunes. Les méthodes faisant intervenir les groupes de pairs existent depuis plusieurs siècles, sous des formes différentes, depuis les théories d'Aristote jusqu'aux systèmes d'enseignement mutuel très populaires en Europe au 18ème siècle. Nombreux sont ceux qui ont observé les bénéfices du travail avec des enfants ou des jeunes dans un cadre pédagogique, formel ou informel, dans le but de les aider à s'entraider.

Nous savons que les groupes sociaux ou de pairs jouent un rôle capital dans la socialisation des jeunes. A partir de l'adolescence, le groupe de pairs pèse de manière de plus en plus décisive sur leur vie. Il est certain que l'enfant moyen passe davantage de temps avec ses pairs qu'avec ses parents, et notamment à l'adolescence. J. Root - dans un article sur la recherche pédagogique intitulé «The Importance of Peer Groups» (l'importance des groupes de pairs) - affirme que les pairs, compte tenu de leur importance pour les enfants, jouent forcément un rôle majeur au niveau de leur éducation. Il argumente en faveur de la reconnaissance des groupes de pairs en tant que partie intégrante des stratégies d'apprentissage. Du fait de leur empathie et de la similitude de leurs expériences, les animateurs pairs possèdent un réel avantage sur leurs homologues professionnels en matière d'information et d'éducation.

Dans cette publication, nous explorons les multiples problèmes inhérents à l'éducation par groupes de pairs : le contrôle des jeunes participant à des programmes de groupes de pairs ; leurs relations avec les adultes, tels les enseignants ou les formateurs ; les partenariats développés entre les jeunes et les travailleurs sociaux, comme les responsables ou les formateurs ; et le raisonnement en faveur du développement de tels programmes. Ces sections sont illustrées par des exemples de «bonnes pratiques». Des jeux et des exercices pratiques sont inclus dans le but d'aider ceux qui désirent concevoir des programmes et développer leur travail avec les jeunes.

Aperçu de l'histoire de l'éducation par groupes de pairs

Tout comme Aristote dans la Grèce ancienne, le Dr Andrew Bell a développé l'un des tout premiers exemples documentés d'une approche de l'éducation par groupes de pairs, avec son système d'enseignement mutuel dans une école de Madras, en Inde. Comme Bell, Joseph Lancaster identifia plus tard des approches pédagogiques par groupes de pairs dans des programmes scolaires du 18ème siècle, dans lesquels, sous une surveillance soigneusement organisée, des jeunes désavantagés enseignaient la lecture, l'écriture et l'arithmétique à leurs pairs. Pour Lancaster et ses contemporains, ces premiers systèmes d'enseignement mutuel représentaient une méthode

«d'un bon rapport qualité-prix, permettant d'optimiser l'emploi de ressources limitées».

(Lancaster, 1805)

«La dissémination du système Bell-Lancaster à travers le Danemark, l'Angleterre, la France, la Grèce, l'Italie, la Norvège et la Suède constitue l'une des plus stupéfiantes révolutions pédagogiques de tous les temps... Son succès provenait de son efficacité comparative à une époque où la notion de bon marché était capitale.»

(Pollard, 1982)

Lilya Wagner, dans son étude approfondie de l'histoire de l'éducation par groupes de pairs, examine le développement de cette méthode en rendant hommage au travail du pédagogue Suisse Pestalozzi qui travaillait avec des enfants orphelins en Suisse. Pestalozzi avait développé une approche plus informelle de l'éducation par groupes de pairs que Bell et Lancaster.

«... Éduquant les enfants par le biais de rouages artificiels de tâches déshumanisées, enfants qui, ainsi éduqués, seront employés à éduquer les autres de la même façon et par les mêmes méthodes.»

(Leitch, 1876)

Un rapport Américain de 1831 dénombrait environ deux milles écoles d'enseignement mutuel au Danemark, et autant en Suède, en Espagne et en Sardaigne. Les Hollandais avaient précédemment développé un système qui fut par la suite repris par les Anglais. Cette époque de réforme et d'évolution au sein des autorités éducatives de l'Europe du 19ème siècle influença fortement le développement des théories d'enseignement dans d'autres parties du monde.

Lancaster et d'autres ont décrit les bénéfices de ces premiers systèmes formels pour les tuteurs eux-mêmes.

«Lancaster était parfaitement conscient de l'effet stimulant du rôle de tuteur sur les jeunes garçons, non seulement sur leur apprentissage, mais aussi sur leur comportement. Ainsi, il notait que les jeunes garçons vifs et actifs étaient le plus souvent ceux qui allaient à l'encontre de l'ordre et étaient les plus difficiles à raisonner. Selon lui, la meilleure façon de les former était d'en faire des formateurs.»

(Goodland, 1979)

A la fin des années 50, l'éducation par groupes de pairs connut un regain en Europe, au Canada, aux USA et en Australie, et continua à être perçue comme une approche efficace pour transmettre à des jeunes difficiles à atteindre des messages à propos de la santé, du bien-être et des questions sociales. A l'Université du Minnesota (USA), au début des années 60, des programmes ont été développés pour aider les minorités à acquérir des connaissances en matière de sciences et de mathématiques. A Chicago et Sacramento, d'autres programmes ont identifié le rôle de l'adulte en tant que formateur en retrait dans le processus d'éducation par groupes de pairs.

L'on sait que la méthode des pairs, en faisant appel à des jeunes formés pour intervenir en tant que formateurs, diminue le nombre de barrières qui se dressent entre enseignants et élèves. Paulo Freire, pédagogue sud-américain, a mis en évidence ce qu'il a appelé la «contradiction enseignant/élève» (Freire, 1972) qui peut faire obstacle à l'apprentissage et au développement. Les approches par groupes de pairs, que ce soit dans des cadres formels ou très informels, peuvent - à condition d'un planning et de ressources adéquates - influer de manière très positive sur les attitudes et les comportements.

Récemment, l'éducation par groupes de pairs a été largement exploitée pour aborder divers problèmes autour du sida, des techniques de prévention, de l'éducation sexuelle, de la drogue et de l'arrêt du tabagisme. Sur les continents africain et asiatique, le manque de ressources et le besoin d'approches pédagogiques pour endiguer l'épidémie de sida ont conduit à de nombreux programmes basés sur l'énergie et l'efficacité des jeunes. En Europe, aux USA et en Australie, le développement de l'éducation par groupes de pairs dans le contexte de la santé fait l'objet d'une importante documentation, et permet d'atteindre les jeunes qui ne sont pas en contact avec les autorités éducatives et sanitaires.

Raisonnement en faveur de l'éducation par groupes de pairs

Beaucoup de raisons justifient l'emploi de ce type d'éducation comme approche pédagogique face à divers problèmes. Des spécialistes suggèrent un raisonnement contemporain légitimant l'emploi de l'éducation par groupes de pairs (Université de Manchester), en se basant sur quatre points fondamentaux :

1. Efficacité

2. Communication

3. Rentabilité

4. Habilitation

1. Efficacité

Les jeunes sont des experts «prêts à l'emploi» détenteurs d'un avis à propos des problèmes qui les concernent, car ils sont en contact avec des jeunes dans des situations similaires. Avec l'encouragement et les ressources nécessaires, ils peuvent souvent faire en sorte «que les choses se produisent».

2. Communication

Les jeunes peuvent faire naturellement office de modèles car, en tant que membres du groupe de pairs, ils possèdent le potentiel nécessaire pour déterminer les méthodes et les approches les plus efficaces. Cela peut se faire par l'intermédiaire d'ateliers, de jeux, de la musique, des médias de masse, ou encore de la discussion et du récit d'histoires ; les jeunes sont les mieux placés pour concevoir de telles méthodes.

3. Rentabilité

Là où les ressources sont limitées et où il faut toucher un grand nombre de jeunes, l'éducation par groupes de pairs peut avoir un effet multiplicateur. De tels programmes peuvent aussi avoir des répercussions informelles, en chaîne ou en cascade, et provoquer des réactions au sein de la communauté locale.

4. Habilitation

En assurant une planification sérieuse, les jeunes peuvent contrôler le processus d'éducation et d'échanges d'informations. Cela dépendra du cadre dans lequel se déroule le programme. L'éducation par groupes de pairs peut aider à encourager la participation des jeunes à des programmes d'éducation formelle et informelle.

L'éducation, l'apprentissage et les approches par groupes de pairs

Il existe évidemment plusieurs approches de l'éducation par groupes de pairs ; la suite de cette section propose la description des différents contextes. Certains contextes s'accommoderont mieux d'une approche pédagogique plus formelle, tandis que pour d'autres, la participation des jeunes de la base sera une méthode plus appropriée.

L'éducation par groupes de pairs peut être employée dans divers contextes pédagogiques. Il n'existe pas «une seule façon de procéder», mais une diversité d'approches.

Les approches éducatives, à l'école ou hors du milieu scolaire, sont extrêmement importantes. La manière dont nous nous référons à ces approches dépend beaucoup du contexte. Et il est aussi « vrai » qu'on peut trouver des méthodes plus formelles dans l'éducation extra-scolaire (une lecture, un exposé, des exercices écrits …), tout comme on peut trouver des méthodes plus informelles en milieu scolaire (travail en groupes de projet, utilisation de l'environnement local …). A l'époque de la rédaction de DOmino, en 1994-1995, nous avions l'habitude de faire la distinction entre éducation formelle et éducation informelle, et il était assez rare de parler d'« éducation non formelle » ou d'« apprentissage non formel ». Depuis, le débat a progressé, comme en témoigne la diffusion récente, par le Forum européen de la jeunesse, d'un document d'orientation intitulé « les organisations de jeunesse en tant que pourvoyeurs d'éducation non formelle - reconnaître notre rôle » (novembre 2003). Il est désormais plus fréquent de parler d'éducation informelle pour décrire des situations d'apprentissage non programmées : au sein de la famille, dans le bus, lors d'une conversation avec des amis. Cependant, dans la présente édition en ligne, nous avons choisi de ne pas modifier la terminologie. Ça vous changera peut-être !

Dans la partie du chapitre 5 consacrée à l'éducation, le manuel « Repères » décrit les défis que les systèmes éducatifs doivent relever aujourd'hui, et souligne la nécessité d'une complémentarité entre éducation formelle et éducation non formelle.

Pour faciliter le planning et éviter la confusion, on peut distinguer trois types d'approches distinctes :

1. L'éducation par groupes de pairs dans le cadre pédagogique formel

Dans les écoles, l'éducation par groupes de pairs est initiée par les enseignants dans le but de conférer la responsabilité du programme aux élèves et aux étudiants. Lors de ce processus, le rôle de l'enseignant évolue pour passer d'un rôle d'initiateur et de professeur, à celui d'animateur et de consultant. Idéalement, l'enseignant devrait devenir superflu dans la suite du programme.

En termes de méthodes, cette approche peut se concrétiser par des groupes sans enseignant, la formation de binômes, la responsabilisation des étudiants (Keller, 1968) et l'ouverture de ces cadres formels à un public élargi.

(Projet de référence, Section 5 : Programme de médiation dans les écoles du Jugendbildungswerk Offenbach, Allemagne)

2. L'éducation par groupes de pairs dans le cadre pédagogique informel

L'éducation par groupes de pairs «hors cadre scolaire» concerne les organisations de jeunesse, les services et les agences de jeunesse, et le travail social et de jeunesse en général. L'objectif, qui consiste à confier aux jeunes la responsabilité de l'éducation d'autres jeunes, peut être atteint par l'intermédiaire du secteur extrascolaire. Pour les adultes, le défi de l'éducation hors cadre scolaire consiste à se retirer progressivement des programmes d'éducation par groupes de pairs, à accepter une «perte de contrôle» et à faciliter l'action, parallèlement aux programmes structurés, dans les organisations, les agences et les services. Les programmes d'éducation par groupes de pairs peuvent toucher un public plus large, au-delà des «membres» de l'organisation et des institutions, et peuvent par conséquent contribuer à la synthèse et à l'enrichissement.

(Projets de référence, Section 5 : Programme de diminution des préjugés de NCBI, programme de RFSL à Stockholm)

3. L'éducation par groupes de pairs initiée par les jeunes - Initiatives de la base

Les jeunes ressentent l'urgence de gagner le soutien d'autres jeunes sur un sujet ou une question importante à leurs yeux. Pour ce faire, ils organisent des actions avec des effets multiplicateurs. Cette approche est en fait la «véritable» éducation par groupes de pairs, sans aucune influence des adultes, du début jusqu'à la fin du projet.

(Projets de référence, Section 5 : Programme "Stop The Violence" au Danemark, "The Guardian Angels")

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