Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les enfants
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2. Les droits des enfants, c’est quoi ?

La Convention des droits de l’enfant a marqué un tournant en affirmant à l’échelle du monde que les enfants ne sont pas seulement des êtres à protéger mais qu’ils sont aussi détenteurs de droits civils et politiques.

Maud de Boer-Buquicchio,
Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe
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La Convention des droits de l’enfant est l’outil parfait pour apprendre aux enfants leurs droits humains. Parce qu’elle précise les droits de l’homme qui leur sont spécifiquement applicables, chacun – et notamment les enfants, les parents et les adultes qui travaillent avec les enfants – devrait connaître cet élément important du cadre international des droits de l’homme. Repères Juniors présente les droits des enfants dans le contexte élargi des droits de l’homme et tente d’aider les enfants à comprendre que, comme tous les autres membres de la famille humaine, ils sont détenteurs de droits.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Convention des droits de l’enfant en 1989 après presque une décennie de concessions et de négociations entre les États membres et de vastes consultations avec les ONG. Depuis, les pays ont été plus nombreux à ratifier la Convention que n’importe quel autre traité de droits de l’homme, qui plus est avec peu de réserves – qui sont des exceptions formelles eu égard à des dispositions auxquelles un État ne souscrit pas.

Au sens de la Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans et est pleinement détenteur de droits de l’homme. Le document contient 54 articles que l’on peut répartir en trois grandes catégories (appelées parfois les « 3 P » : protection, prestation de services, participation) :

  • La protection, qui consiste à garantir la sécurité des enfants et couvre des questions spécifiques comme les mauvais traitements, les négligences et l’exploitation ;
  • La prestation de services, qui couvre les besoins spécifiques des enfants comme l’éducation et les soins de santé ;
  • La participation, qui reconnaît la capacité en développement de l’enfant à prendre des décisions et à participer à la société, tandis qu’il approche de la maturité.

La Convention se caractérise par plusieurs approches novatrices en matière de droits de l’homme. Le droit de l’enfant à la participation, par exemple, est une question que ne traitaient ni la DUDH (1948) ni la Déclaration des droits de l’enfant (1959). Une autre innovation réside dans l’emploi des pronoms il et elle à la place du générique il pour inclure les enfants des deux sexes.

La Convention souligne avec force la primauté et l’importance du rôle, de l’autorité et de la responsabilité de la famille de l’enfant. Elle affirme le droit de l’enfant non seulement à la langue et à la culture de sa famille, mais également au respect de sa langue et de sa culture. La Convention exhorte également l’État à soutenir ces familles qui ne sont pas en mesure d’assurer un niveau de vie approprié à leurs enfants.

Tout en reconnaissant l’importance de la famille pour le bien-être de l’enfant, la Convention reconnaît les enfants en tant qu’individus détenteurs de droits, en leur garantissant, « d’une manière qui corresponde au développement de leurs capacités », le droit à une identité, au respect de la vie privée, à l’information, à la pensée, à la conscience et à la religion, à l’expression et à l’association.

La Convention a eu un impact mondial retentissant. Elle a contribué au redoublement des efforts en faveur des droits de l’homme déployés par les institutions de l’ONU, comme l’Unicef et l’Organisation internationale du travail (OIT). Elle a pesé sur des traités importants relatifs aux droits de l’enfant, comme la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, qui énonce le droit de l’enfant à une famille au lieu du droit de la famille à un enfant, et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle a également mobilisé des mouvements internationaux pour qu’ils éradiquent des formes systématiques de mauvais traitements à enfant, comme la prostitution enfantine et l’implication d’enfants dans les conflits armés, fléaux qui font aujourd’hui tous deux l’objet de protocoles optionnels (amendements à la Convention des droits de l’enfant).

Principes généraux de la Convention des droits de l’enfant

Les droits de l’enfant, tels qu’énoncés dans la Convention, reflètent quatre principes généraux :

  1. La non-discrimination (article 2) : tous les droits s’appliquent à tous les enfants sans exception. Les États ont l’obligation de protéger les enfants contre toutes formes de discrimination.
  2. L’intérêt supérieur de l’enfant (article 3) : dans tous les actes et les décisions concernant un enfant, son intérêt supérieur doit être une considération primordiale et systématiquement prévaloir sur les intérêts des adultes concernés (parents, enseignants, tuteurs, etc.). Mais décider où se situe l’intérêt supérieur de l’enfant est une question délicate qui reste ouverte à la discussion.
  3. Les droits à la vie, à la survie et au développement (article 6) : le droit à la vie de l’enfant est inhérent et il incombe à l’État partie de veiller à la survie et au développement de celui-ci. Cela signifie que les enfants ne peuvent être condamnés à la peine de mort ou privés de la vie.
  4. Respect des opinions de l’enfant (article 12) : l’enfant a le droit d’exprimer son opinion sur toute question l’intéressant et son opinion doit être dûment prise en considération.

QUESTION : L’intérêt supérieur de l’enfant est un principe fondamental de la Convention des droits de l’enfant. Mais, qui décide du meilleur intérêt pour l’enfant ? Que se passe-t-il lorsque les parents, les enseignants, les autorités et l’enfant ont des positions divergentes sur ce qui serait « le mieux » pour celui-ci ?

La Convention des droits de l’enfant est un instrument puissant qui, de par sa nature, invite les jeunes à un examen de leurs droits. Elle renseigne aussi adultes et enfants sur les responsabilités complexes qui vont de pair avec la garantie des droits qu’elle énonce. Qui plus est, elle offre un support pédagogique précieux pour enseigner aux enfants comment défendre leur propre cause.

Le monitoring de la Convention des droits de l’enfant

Comme tous les traités relatifs aux droits de l’homme, la Convention contient des articles qui établissent les modalités de contrôle de la conformité des gouvernements aux engagements contractés. La deuxième partie de la Convention (articles 42-45) énonce les procédures de contrôle et les obligations des États signataires :

  • elle exige des États parties qu’ils s’engagent à faire largement connaître la Convention aux adultes comme aux enfants (article 42) ;
  • elle institue un Comité des droits de l’enfant, organe d’experts indépendants chargé d’examiner les progrès accomplis par les États parties dans la mise en œuvre de la Convention (article 43) ;
  • elle exige des États parties qu’ils rendent compte tous les cinq ans des efforts déployés pour appliquer la Convention (article 44) ;
  • elle encourage la coopération internationale dans la mise en œuvre de la Convention, notamment avec les institutions spécialisées des Nations Unies comme l’Unicef (article 45).

Ces rapports obligatoires sont généralement préparés par une agence gouvernementale spécialiste des questions relatives aux enfants. Ils signalent quels sont les individus privés de leurs droits, identifient les contraintes et les obstacles à la réalisation des droits reconnus par la Convention et exposent les remèdes envisagés par le gouvernement concerné. Les rapports sont présentés au Comité des droits de l’enfant à Genève, où est basé le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, qui les examine et formule des recommandations d’actions futures.

QUESTION : Dans votre pays, quelle agence gouvernementale prépare les rapports sur l’application de la Convention des droits de l’enfant ? Comment se procure-t-elle les informations requises ?

QUESTION : Votre pays a-t-il présenté des rapports réguliers sur son application de la Convention des droits de l’enfant ?

Les procédures de monitoring et de rapport offrent en outre la possibilité à la société civile, aux ONG, aux agences spécialisées, aux enfants et aux jeunes et à toutes les personnes qui s’occupent des enfants d’être des acteurs à part entière du processus. Leur participation peut notamment prendre la forme de rapports alternatifs ou parallèles qui remettent en cause les affirmations du gouvernement ou soulèvent des questions passées sous silence dans les rapports officiels.2

QUESTION : Des rapports alternatifs ont-ils été soumis dans votre pays ? Le cas échéant, de qui émanaient-ils ? Sur quels points divergeaient-ils de ceux du gouvernement ?

La surveillance des droits de l’enfant

Souvent, l’ONU nomme un expert comme Rapporteur spécial pour collecter des informations sur une question ou un pays qui pose problème. En réponse à la préoccupation d’ampleur internationale suscitée par la montée de l’exploitation sexuelle commerciale et la vente d’enfants, l’Assemblée générale de l’ONU a créé en 1990 un mandat de rapporteur pour réunir des informations et faire rapport sur la vente d’enfants, la pornographie et la prostitution enfantines.

Plusieurs organisations non gouvernementales interviennent également dans le monitoring de la Convention des droits de l’enfant. Parmi elles figurent de grandes organisations internationales qui défendent la cause des enfants, comme Save the Children et le Child Rights Information Network (CRIN), tandis que d’autres opèrent à l’échelle régionale et nationale. En Europe, par exemple, le Réseau européen des ombudsmans pour les enfants (European Network of Ombudsmen for Children, ENOC) mène des enquêtes et dénonce publiquement des décisions administratives qui violent la Convention des droits de l’enfant. Les ombudsmans peuvent intervenir séparément des représentants légaux, des parents et des tuteurs pour représenter les droits des enfants dans diverses affaires civiles ou pénales dans lesquelles ces derniers sont directement ou indirectement impliqués. Le réseau réunit des représentants des pays suivants : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Hongrie, Islande, Irlande, Lituanie, ex-République yougoslave de Macédoine, Norvège, Portugal, Fédération de Russie, Espagne, Suède et Pays de Galles3

Promouvoir la Convention des droits de l’enfant

La société civile, les enfants, les enseignants et diverses agences peuvent aider à sensibiliser et à faire pression en faveur d’actions pour la promotion des droits des enfants. Pour que toutes les personnes qui travaillent avec les enfants et les enfants eux-mêmes soient conscients de ces droits, la Convention des droits de l’enfant devrait avoir sa place sur les étagères des bibliothèques scolaires et être lue et discutée en salle de classe et avec les parents.

Une éducation aux droits de l’homme systématique, démarrée dans la prime enfance, est un des meilleurs moyens de promouvoir la Convention. Car chaque enfant est en droit de connaître ses droits et ceux des autres !

Ressources utiles

  • Eide, Asbjørn and Alfredsson, Guthmundur, The Universal Declaration of Human Rights : À common standard of achievement : Martinus Nijhof, 1999
  • Franklin, Bob, Handbook of Children’s Rights : Routledge, 2001
  • Hodgkin, Rachel and Newell, Peter, Implementation Handbook for the Convention on the Rights of the Child : UNICEF, 2002

Sites Web utiles

Références

1 Discours prononcé lors de la Conférence internationale sur la justice pour les enfants, 17 septembre 2007

2 Action pour les droits de l’enfant (Action for the Rights of Children, ARC), CD-ROM produit par UNICEF & Save the Children Alliance, 2003

3 Voir www.ombudsnet.org